L'essentiel de l'actualité militaire







L'essentiel des liens militaires


Documents militaires


Toutes les dates des ER


Cliquez ici pour soutenir CheckPoint!


Toutes les unités actuellement en action


Le Swiss Army Theme pour Windows 95


Webring Armée suisse

Revanche tchétchène et guérilla urbaine:
l'exemple de Staropromyslovsky

1er mars 2003


Soldats OMON à GroznyL

es exactions des troupes fédérales russes en Tchétchénie suscitent parfois la revanche munutieusement préparée des combattants locaux. Dans un quartier de la capitale en ruines nommé Staropromyslvsky, 37 soldats du Ministère de l'Intérieur ont payé en mars 2000 pour les crimes de leurs camarades.

Entre la fin de décembre 1999 et le milieu de février 2000, des soldats russes ont prétendument exécuté 41 civils Tchétchènes en 8 incidents distincts dans le quartier de Staropromyslovsky, situé au nord-ouest de Grozny. La plupart des victimes étaient des femmes et des hommes âgés, parait-il abattus à courte distance par les Russes.

Les soldats sont également accusés d'avoir commis bien d'autres exactions dans le district, dont le pillage, la destruction de propriétés civiles et la contrainte de résident locaux à risquer le feu de snipers pour récupérer les corps des soldats russes tombés. Six hommes tchétchènes du district, aperçus pour la dernière fois sous la garde des Russes, ont "disparu" pendant la même période et manquent toujours.


«... Les OMON doivent leur renommée à des activités létales et répressives, et ils utilisent souvent de fausses identités pour éviter toute action légale intentée contre eux. »


Les témoins tchétchènes ont rapporté que si la plupart des soldats russes occupant Staropromyslovsky appartenaient aux troupes régulières de l'armée, l'essentiel des atrocités supposées ont été commises par des détachements d'opérations spéciales de la police, incorporés au Ministère russe de l'Intérieur (MVD), et connus sous les noms de Otryad Militsii Osobovo Naznacheniya (OMON) et Spetsialny Otriad po Bystromu Reagirovaniyu (SOBR).

Formées à l'origine en 1987 pour répondre à des actes terroristes, réprimer des activités criminelles graves et maintenir l'ordre public, les unités OMON sont organisées comme les équipes SWAT ou l'infanterie légère en fonction de leurs rôles. Avec de nombreux vétérans de l'Afghanistan et de la première guerre en Tchétchénie dans leurs rangs, elles sont également déployées dans des conflits hors de leurs zones d'opérations habituelles. Les Omonovtsy, comme les soldats OMON sont communément appelés, sont commandés par le colonel-général Vyacheslav V. Ovchinnikov et doivent leur renommée à des activités létales et répressives dans toute la Fédération russe, utilisant souvent de fausses identités pour éviter toute action légale intentée contre eux.



La vengeance des Tchétchènes

Même lorsqu'ils quittaient Grozny au début de février 2000, les combattants tchétchènes avaient noté les atrocités des OMAN et commençaient à imaginer comment infliger au mieux le type de punition caucasienne le plus adapté aux coupables. Qu'elles soient appelées querelle de sang, vendetta ou simple rancune, les vengeances sont de taille dans la tradition tchétchène.

La discipline militaire des Tchétchènes n'est pas basée sur une hiérarchie de commandement centralisée, parce que les groupes de combattants sont généralement petits et formés indépendamment par des cercles de proches, de voisins ou d'amis. Les trois piliers de la discipline tchétchène sont la loyauté à la famille ou au clan ; l'honneur, la honte ou la tradition ; et l'Islam.

La vengeance par le sang nommée "ch'ir" n'est pas une dispute, mais une vengeance franche d'une vie contre une autre sans représaille supplémentaire ; elle sert à maintenir l'ordre dans un contexte chaotique, où la justice légale ne peut toujours être attendue. Créer des motifs pour une vengeance par le sang, soit des crimes délibérés comme le meurtre ou le viol, est considéré comme l'une des plus répugnantes et haineuses offenses dans la société tchétchène ; et c'est exactement ce que les OMON sont accusés avoir perpétré dans le quartier de Staropromyslovsky : le meurtre délibéré de civils tchétchènes.

Après leur retrait de Grozny, les guérilleros tchétchènes se sont séparés en petits groupes dans un effort pour se faufiler discrètement à travers les lignes russes. Environ 300 combattants restèrent à l'intérieur de la capitale, vivant dans les vastes tunnels souterrains qu'ils avaient construits. Ils faisaient surface à la nuit, dans des conditions d'obscurité idéales pour tendre des embuscades aux patrouilles russes et pour surveiller les mouvements russes dans et hors de la ville, qu'ils transmettaient ensuite aux commandants tchétchènes à l'extérieur.

Patrouille des troupes du Ministère de l'Intérieur

Isa Munayev, qui était commandant de police à Grozny avant la guerre, avait la charge des défenses de la ville durant le siège russe et jusqu'au retrait tchétchène. Il resta à l'arrière des lignes russes avec son détachement de combattants tchétchènes et opérait dans le quartier de Staropromyslovsky de même que dans les villages voisins d'Andreyevskaya et Oktyabrsky.

Le quartier de Staropromyslovsky est généralement connu comme l'un des endroits les moins sûrs de la capitale tchétchène. Les guérilleros conservent leurs caches de munitions dans le secteur et tendent des embuscades à partir de bâtiments délabrés pour attaquer les forces fédérales ou les barrages routiers des milices, et ce même de jour.



«... Les préparatifs des Tchétchènes étaient si bons que les autorités russes ont suspecté une fuite au quartier-général des opérations à Mozdok. »


Les hommes de Munayev avaient mené d'excellentes reconnaissances et connaissaient parfaitement ceux qu'ils devaient attaquer. Le convoi des OMON était une cible non blindée, par opposition à une colonne de l'armée qui employait des transporteurs de troupes blindés BTR-60 et BTR-80 ainsi que des véhicules de combat d'infanterie chenillés BMP-3, escortés par des chars de combat T-80 et T-90, avec l'appui aérien des hélicoptères d'attaque Mi-24 Hind.

Les préparatifs des Tchétchènes étaient si bons qu'après leur action, les autorités russes ont suspecté une fuite au quartier-général des opérations russes à Mozdok, en Ossétie du Nord. L'heure de l'embuscade, 1400 heure de Moscou, a également été soigneusement choisie. Le secteur avait un brouillard épais le jour, qui permettait la dissimulation des combattants tchétchènes ; les soldats russes commencèrent d'ailleurs à les appeler les esprits ('dusha'), un mot que leurs anciens camarades avaient inventé presque 20 ans plus tôt face aux moudjahidins en Afghanistan.

Les combattants tchétchènes identifièrement la route que le convoi des OMON devait suivre, et ils se mirent à placer des heures avant l'embuscade des mines russes, des TM-57 antichar et PMN antipersonnel, le long d'un segment de route de 350 mètres et sur toutes les issues. Ils avaient augmenté certaines des TM-57 avec des obus de lance-mines au calibre 120 mm et les avaient câblées en guise de mines commandées à distances. Ils placèrent également quelques charges dirigées MON-50 analogues au mines américaines Claymore sur les côtés de la route, de manière à ce qu'elles frappent les soldats OMON débarquant de leurs véhicules. Les MON-50 étaient également reliées pour une détonation manuelle.

La zone de destruction à l'entrée du quartier de Staropromyslovsky était un endroit tranquille près du poste 53, un point de contrôle des OMON et la destination finale du convoi. A plusieurs occasions, les autorités russes avaient déclaré qu'il s'agissait d'une zone sûre, et prévoyaient d'y ouvrir des bureaux de vote pour les élections présidentielles du 26 mars.

Les Tchétchènes choisirent tout aussi soigneusement leurs positions de tir, avec des couverts suffisants pour les protéger du feu adverse tout en leur permettant de combattre leur cibles en superposant leurs feux. Le vice-ministre russe de l'Intérieur, le général Ivan Golubev, a qualifié l'embuscade de bien préparée et d'adroitement conçue.



Le déclenchement de l'embuscade

Alors que les Tchétchènes attendaient les OMON, un plus petit convoi traversa le secteur de l'embuscade. Peinant à se contenir mais sachant le convoi des OMON serait une cible plus grande, les rebelles laissèrent passer ces véhicules, bien que l'un d'entre eux transportait un général de l'armée russe.

Le 2 mars 2000, pas moins de 98 Omonovtsy venant de la ville de Sergiyev Posad, à 70 km au nord-est de Moscou, voyageaient dans 9 camions russes à toit bâché. Ils quittèrent Mozdok tôt le matin et mirent le cap sur le poste 54 pour relever des OMON en service ; c'était le premier jour du second tour de service de l'unité en Tchétchénie. Ils avaient auparavant servi pendant la première guerre en Tchétchénie, entre 1994 et 1996.

Tchétchénie

Peu après que le premier camion soit entré dans la zone de destruction et continue à avancer, le commandant tchétchène mit à feu les mines prépositionnées, et ses combattants ouvrirent le feu avec leurs fusils d'assaut tout en tirant plusieurs roquettes explosives avec leurs RPG-7 sur les camions. Les explosions qui en résultèrent mirent le chaos dans la colonne russe.

De manière exemplaire, le premier et le dernier camion furent touchés en premier par les RPG, empêchant les 7 autres de manœuvrer. Incapables de sortir de la zone de destruction et piégés dans leurs camions, les Omonovtsy reçurent le feu des AK et PKM, qui pour des Russes incapables de voir les positions tchétchènes semblaient venir de partout.

Les toits bâchés des camions russes n'offraient aucune protection contre les balles. Un grand nombre de soldats fauchés par le feu des Tchétchènes étaient si confiants en leur sécurité, dans une partie de la province située à des kilomètres du front, qu'ils ne portaient ni casque, ni gilet pare-éclats. Douze soldats furent tués par la première rafale, dont le commandant de l'unité, le colonel Dimitry Markelov. Cinq Omonovtsy reçurent tellement d'impacts que leurs corps ne purent être identifiés pour l'enterrement, plusieurs jours après l'embuscade.



«... Un grand nombre de soldats fauchés par le feu des Tchétchènes étaient si confiants en leur sécurité qu'ils ne portaient ni casque, ni gilet pare-éclats. »


Les servants des lance-mines tchétchènes commencèrent alors à tirer, faisant pleuvoir les obus explosifs sur les camions et sur les Russes tentant de les utiliser comme couvert. Le commandant tchétchène ordonna ensuite la détonation des mines antipersonnel MON-50, qui projetèrent un déluge de fragments sur les soldats déjà paniqués. Pendant les 6 minutes de l'embuscade, la colonne russe avait été touchée par le feu de RPG, de lance-mines et d'armes légères, et le deux-tiers des soldats OMON étaient morts ou blessés.

L'élément de surprise joua comme prévu pour les Tchétchènes. Ils ne reçurent qu'un feu sporadique en retour et ne perdirent aucun combattant, bien que quelques uns furent légèrement blessés. Les OMON ne purent pas demander d'appui aérien, parce qu'il leur manquait les bonnes fréquences radios pour communiquer avec le quartier-général des Forces aériennes russes, sur la base aérienne de Khankala juste en-dehors de Grozny.

Plus tard, les OMON survivants affirmèrent avoir maintenu les Tchétchènes à distance pendant 5 heures, jusqu'à ce que les renforts arrivent. D'habitude, une embuscade de la guérilla tchétchène sur une colonne ne dure pas plus de 15 minutes. En fait, lorsque l'unité OMON de remplacement – basée à Podolsk, également près de la région de Moscou – arriva sur les lieux 20 minutes après, le convoi avait été salement écharpé. Les renforts ne purent immédiatement engager les combattants tchétchènes en raison des mines. Les Tchétchènes avaient même prévu la réaction des Russes : les mines terrestres placées la nuit précédente empêchèrent les détachements d'OMON d'avancer en direction de leurs positions.

Un officier OMON ayant survécu a accusé les agents du FSB, le successeur du KGB, de n'avoir pu les avertir des mouvements de la guérilla tchétchène. Le Ministre de la Défense répondit à ces critiques que les véhicules de police étaient tombés dans une embuscade en formation serrée, comme dans une parade.

Les Omonovtsy d'appui venant du poste 53 perdurent deux hommes à leur arrivée, en découvrant que les mines antichars avaient explosé au milieu d'eux. Les Tchétchènes se mirent également à les combattre, et la fusillade qui s'ensuivit continua les heures suivantes. Décidant qu'ils avaient fait assez de dégâts, ils ramassèrent quelques AKS-74, RPG-7 et Makarov dont les possesseurs n'étaient plus en vie et prirent le fuite, ne laissant derrière eux que quelques douilles.



Complètement pris au dépourvu

Les Forces aériennes russes et les unités d'artillerie ne sont en général appelés pour appuyer les détachements fédéraux que si la situation est critique. Lors de l'embuscade tchétchène, les Russes engagèrent un groupe mobile blindé pour assister les OMON. Les avions et l'artillerie sont presque inutiles en combat rapproché, lorsque la distance entre les forces opposées sont inférieures à 100 mètres.

Grozny

Lorsque d'autres soldats russes arrivèrent sur les lieux de l'embuscade, le nombre de morts s'accrut également. Deux OMON décédèrent de leurs blessures à l'hôpital du Ministère des Urgences de Grozny, où ils avaient été transportés par hélicoptère. Sur les 98 soldats OMON du convoi, 37 furent tués, ou devinrent des "cargo 200", l'argot militaire russe pour les soldats tués au combat ; 31 furent des "cargo 300", blessés au combat. Les commandants tchétchènes affirmèrent plus tard qu'ils avaient tué 60 Omonovtsy et blessé 35 d'entre eux. Le commandant en second de l'unité OMON prise en embuscade, Igor Luchikhin, blâma l'insouciance et le manque de discipline du commandant tué pour l'ampleur des pertes. Un autre survivant, Mikhail Simashkin, déclara qu'ils ne s'étaient pas attendu à une attaque aussi féroce dans le secteur de Grozny. Clairement, les OMON ont été complètement pris au dépourvu.


«... le commandement russe ordonna des mesures de sécurité supplémentaires pour les convois comprenant des escortes par hélicoptère et des reconnaissances spéciales. »


Les commandants tchétchènes ont annoncé que seuls 13 combattants avaient exécuté l'embuscade. Bien que les officiers russes aient concédé que 5 combattants expérimentés auraient pu monter l'embuscade avec une bonne préparation, ils ont estimé qu'au moins 50 d'entre eux y ont pris part. Le nombre exact des atttaquants se trouve probablement quelque part entre les deux affirmations.

En entendant les nouvelles de l'embuscade, le Ministre de l'Intérieur russe Vladimir Rushailo – qui portait la responsabilité globale des soldats OMON – la nomma un jour noir pour la police russe. L'officier supérieur des OMON Vyacheslav Kozlovother et lui-même ont suspecté des Tchétchènes locaux d'avoir aidé les guérilleros. Les soldats OMON ont commencé à fouiller les maisons voisines et arrêtèrent 48 civils tchétchènes en les accusant d'avoir pris part à l'embuscade. Les jours suivants, Rushailo condamna le commandant en chef des soldats du Ministère pour avoir ignoré les réglementations sur le mouvement de colonnes motorisées en Tchétchénie et ordonna son remplacement.

L'embuscade des OMON, qui sont des professionnels entraînés et non des conscrits de l'armée, ont incité les dirigeants – dont le Président Vladimir Poutine – à accuser d'insouciance les forces de sécurité. Durant le voyage du convoi parti de Mozdok, le colonel Dimitry Markelov avait utilisé sa radio, et le vice-premier ministre russe Ilya Klebanov a évoqué la possibilité que les Tchétchènes aient intercepté les transmissions radios FM/UHF. En conséquence, l'agence russe de gestion des systèmes reçut la mission de développer un système de communication tactique sûr pour les forces russes.

Cette embuscade souligna également le besoin d'une protection individuelle pour les soldats, amenant le commandement russe à ordonner des mesures de sécurité supplémentaires pour les convois en Tchétchénie, comprenant des escortes par hélicoptère, des reconnaissances spéciales avant de quitter la base, et l'interdiction de tout convoi par mauvaise visibilité.



Œil pour œil

Plusieurs heures après l'embuscade, non loin du quartier de Staropromyslovsky, 5 soldats russes furent découvert la gorge tranchée, élevant les pertes à 42 morts. Autant que les Tchétchènes furent concernés, ils avaient pris leur revanche – le ch'ir. Un total de 42 soldats avaient payé pour les vies de 41 civils tchétchènes assassinés dans le district Staropromyslovsky.

Dans les mois qui ont suivi cette embuscade sanglante au sein du Trou Noir, comme les OMON ont surnommé Staropromyslovsky, les Tchétchènes ont continué à attaquer les forces russes dans le district. Ils ont tiré sur des postes de contrôles avec des lance-mines et des armes légères, pris en embuscade d'autres convois de troupes en mouvement, posé des mines et des explosifs commandés à distance, et placé des bombes sous des véhicules de l'armée et de la police.

Le Trou Noir continue à être une scène semi-urbaine favorite, sur laquelle les combattants tchétchènes conduisent des attaques contre les forces russes d'occupation. Durant le seul premier semestre 2002, à l'intérieur et aux environs de Staropromyslovsky, les Tchétchènes sont parvenus à poser des mines antichars qui ont tué et blessés des dizaines de soldats russes.



Texte original: Ali M. Koknar, "Payback in Staropromyslovsky", Military Review, September-October 2002    
Traduction et réécriture: Cap Ludovic Monnerat    







Haut de page

Première page





© 1998-2002 CheckPoint
Reproduction d'extraits avec mention de la provenance et de l'auteur