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Comment un drone Pioneer a mis un terme
à un duel d’artillerie dans Falloujah

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14 novembre 2004

Drone PioneerL

’emploi des drones dans la contre-insurrection est devenu incontournable. Le témoignage de Bing West, journaliste et écrivain suivant une unité aérienne des Marines, montre leur rôle dans la conduite des feux au cœur de Falloujah.

La caméra diurne du drone Pioneer fournit des couleurs riches, de sorte que les éclairs rouges venant de la cour de la mosquée ont immédiatement attiré l’attention des Marines. L’opération destinée à reprendre Falloujah se déroulait bien, dans l’après-midi du 8 novembre. Sept bataillons avançaient à partir du nord, et le Pioneer tournait autour d’un district de 4 km2 au sud, appelé Queens. Longtemps le repaire de gangs criminels, de terroristes, de kidnappeurs et de djihadistes, Queens était un fouillis de quelques milliers de maisons à deux étages, faites d'un ciment terne, entre des chemins en terre et une végétation presque inexistante.


«... Basés dans une tente située près d'un aérodrome, à quelques kilomètres en-dehors de Falloujah, les Watchdogs avaient mené plusieurs centaines de missions de surveillance au-dessus de la ville durant les 5 derniers mois. »


Détecter des insurgents n'était pas un problème pour les Watchdogs - l'unité aérienne des Marines VMU-1 qui exploitait le Pioneer. Basés dans une tente située près d'un aérodrome, à quelques kilomètres en-dehors de Falloujah, les Watchdogs avaient mené plusieurs centaines de missions de surveillance au-dessus de la ville durant les 5 derniers mois. Les insurgents ne pouvaient se cacher nulle part. Lorsqu'ils sortaient à l'air libre, ils étaient repérés, suivis et attaqués - jour après jour. A plusieurs reprises, les Watchdogs ont vu des pick-ups déboucher brusquement dans des terrains dégagés et leurs occupants débarquer, dresser de longs tubes, tirer quelques roquettes et prendre la fuite avant qu'une contre-attaque ne puisse être lancée.

« Nous avons suivi un pick-up après qu'il a tiré quelques roquettes », raconte le sergent-chef Francisco Tataje, le chef renseignement. « Il s'est élancé sur l'autoroute principale et nous l'avons fait intercepter. Le conducteur avait une identité parfaite. Rien d'incriminant. Nous avons donné à l'équipe qui l'interrogeait une copie de notre vidéo. Ils ont rappelé pour dire que le type avait avoué. »



L’artillerie précède l'aviation

L’attaque au mortier venue de la mosquée, ce jour-là, rompait toutefois le schéma habituel du feu et mouvement. La mosquée à moitié achevée ressemblait à un petit stade de football, avec un mur de cour haut de plusieurs étages et de forme ovale, ainsi qu’une cour intérieure vide. Au centre, un seul tube de mortier était pointé au nord, vers Camp Falloujah, le centre logistique de l’opération coalisée. Toutes les 10 minutes environ, 3 insurgents sprintaient depuis une grande maison située quelques centaines de mètres au nord de la mosquée et disparaissaient sous le rebord du mur. Quelques instants plus tard, ils repartaient à toute allure, et chacun lâchait un obus dans le tube avant de sprinter comme des dératés pour regagner la maison.

Après l’explosion aléatoire de 6 obus de mortier autour de l’énorme Camp Falloujah, le lieutenant-colonel John Neumann, commandant opérationnel des Watchdogs, reçut un appel téléphonique du Centre de Fusion, qui intégrait toutes les sources de renseignements et assignait des objectifs aux unités de feu.

« L’aviation n’est pas disponible. L’artillerie a l’objectif », a expliqué Neumann à son groupe de 10 hommes rassemblés autour de 2 afficheurs vidéos et de 4 moniteurs informatiques. L’artillerie est une arme de zone, très utile contre les troupes à découvert, mais pas conçue contre des cibles ponctuelles [à moins d’utiliser des obus guidés, note du traducteur]. Ce n’était pas le choix idéal pour cette mission de feu. Mais l’artillerie était la seule à être immédiatement disponible.

L’appointé-chef Jonathan Salisibrarra, l’opérateur de la nacelle, plaça le viseur de la caméra optique du Pioneer sur le tube du mortier et lut à haute voix les coordonnées à 10 chiffres qui apparaissaient sur l’écran. Celles-ci furent entrées et envoyées au Centre de Fusion ainsi qu’à la batterie d’artillerie. Le groupe attendit quelques secondes, sans mot dire, alors que le Pioneer faisait des cercles à plusieurs milliers de pieds au-dessus du sol, sa caméro fixée sur le tube brillant. Lorsque Neumann annonça « coup parti », tous se penchèrent en avant pour observer l’explosion.

Une large bouffée grise apparut à un stade de football [américain, NDT] du tube, et le groupe mesura la distance d’erreur avant d’entrer au clavier, plus long 100, à droite 50. Quelques instants plus tard, un nuage de poussière éclata dans la cour. Après plusieurs cris – « C’est bon ! » – la prochaine commande était « feu d’efficacité. » Peu après, deux flashes oranges illuminèrent la cour, avec un troisième environ 100 mètres au sud. Lorsque la fumée se dégagea, le tube était toujours en place. Le groupe demanda une autre salve. Même résultat – au but, mais inefficace. Aucune explosion secondaire. Aucun dommage visible au tube.

Durant l’accalmie qui s’ensuivit, les 3 insurgents coururent à nouveau de leur redoute jusqu’au mur de la mosquée, ramassèrent des obus, les lâchèrent dans le tube et retournèrent en courant vers la maison.

Les Watchdogs échangèrent des exclamations.

« Ils s’accrochent. »

« Personne ne me ferait jouer à cache-cache avec des obus de 155. »

« Ces imbéciles sont cuits s’ils devinent mal où tombera la prochaine salve. »

« On a un Predator », lança Neumann après avoir appelé le Centre de Fusion.

Lancé à partir d’un site près de Bagdad, le drone Predator emmenait un missile Hellfire. Ses opérateurs et son flux vidéo se trouvaient en Californie. Quelques semaines plus tôt, les Watchdogs avaient employé un Predator pour détruire un pick-up en mouvement équipé d’une mitrailleuse – un robot guidant un autre robot vers la cible. Toutefois, la bande passante pour l’imagerie du champ de bataille n’était pas assez large pour permettre aux Watchdogs et aux opérateurs du Predator en Californie d’échanger leurs images respectives. A la place, ils utilisaient le courrier électronique et les coordonnées GPS pour aligner leurs plate-formes.

« Arrêtez, arrêtez », appela Neumann. « Le Predator a été détourné. Profane est en place et a la mission. Préparez-vous à l’orienter. » Profane était l’indicatif radio de 2 avions AV-8B des Marines qui volaient à près de 6000 mètres d’altitude. Les Watchdogs devaient parler et envoyer des données au contrôleur aérien avancé aéroporté (Forward Air Controller Airborne, FACA) qui était chargé de coordonner l’attaque des jets.

Dans l’intervalle, les insurgents avaient fait un autre sprint pour tirer. Douze obus avaient été lancés sur Camp Falloujah. Le Centre du Fusion voulait mettre un terme à ce duel.

« Qu’est-ce que vous en pensez, les gars ? », demanda Neumann, dont la conduite était participative. « Le tube ou la maison ? »

« La maison ! », s’écrièrent-ils en chœur.

La maison en ciment à deux étages où se cachaient les insurgents entre leurs tirs avait un toit en forme de dome, une large cour avec un mur extérieur, et un surplomb à la porte d’entrée, où une sentinelle était postée. Les Watchdogs avaient compté 5 hommes à l’extérieur, en supposant que les mêmes hommes sprintaient chaque fois jusqu’au mortier. Dès que Profane repéra la mosquée, Neumann parla au FACA.

« La maison est la première au nord de l’espace dégagé au coin nord-est. Elle a un toit en forme de dome. Attendez – c’est celle avec ce camion. Vous l’avez ? »

Un camion s’était arrêté et 5 hommes étaient entrés dans la maison, portant quelque chose dans leurs bras. Trois chiens avaient accouru.

« L’heure du souper. Ils font la relève », déclara le sergent Roneil Sampson, un analyste en imagerie. « Livraison de pizzas. »

« Objectif engagé », annonça Neumann. L’impact se produirait dans moins d’une minute.

Le mot avait été passé au groupe en repos, et plus de 20 Marines se serraient et chuchotaient dans le petit centre d’opérations.

« J’aime les chiens. Tirez-vous de là, les chiens. »

« Restez-là, les moudj. Vous êtes presque au paradis. Partez pas maintenant. Partez pas. »

La porte de la cour s’ouvrit, un homme marcha jusqu’au camion, et ce dernier s’éloigna lentement.

« Un moudj bleu envoyé chercher le coca. L’enc… le plus chanceux du monde. »

Les deux écrans vidéos émirent soudain un flash blanc, comme si un fusible avait sauté. Il y eut un « M… » collectif des Marines alentour. Le centre du toit était maintenant un énorme trou noir.

« Dans le mille », dit Neumann. « Voilà ce que j’appelle dans le mille ! »

« Je suis désolé pour les chiens », cria quelqu’un.

« Beau boulot, les gars », conclut Neumann. « Beau boulot. »



Texte original: Bing West, "How the Pioneer Robot Plane Helped Win an Artillery Duel", Slate, 11.11.04  
Traduction et réécriture: Lt col EMG Ludovic Monnerat
  










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