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L'opinion publique, le gouvernement et le commandement face aux pertes humaines de guerre

Par Jean-Jacques Arzalier, Docteur en médecine et chef de service, Médecin en chef des armées (CR)

6 février 2000


Pertes au combat: restes de soldats éthiopiens après les offensives de Tsorona avec l'Erythrée, 1999

Dans le monde de la fin du XXème siècle, la survenue de pertes humaines lors d'une intervention militaire est à l’origine d’importantes réactions de l'opinion publique. La fixation, a priori, d’un "seuil de supportabilité" en pertes humaines modifie l'action du pouvoir politique ainsi que la conduite des opérations. C’est ainsi que les puissances militares occidentales se sont vues imposer le concept " zéro mort, zéro blessé ", volontiers connu sous le nom d’option " double zéro "…

La prévision de pertes devient l'un des éléments essentiels de la décision politique d'intervention armée, mais cette prévision guide aussi les chefs militaires dans la conception des opérations. " Zéro mort, zéro blessé ", c'est là sûrement le souhait de tout officier pour la troupe qu'il commande. Mais au delà de la conservation de ses propres hommes, préoccupation opérationnelle et parfois égoïste, apparaît aujourd’hui la volonté de diminuer les pertes de l'adversaire, et notamment celles des non-combattants. L'option " double zéro " semble être devenue l'un des objectifs de toute intervention militaire.

L'étude STAR 21 [Technologies Stratégiques pour l'ARmée du XXIème siècle]1 met en avant la supériorité des technologies militaires qui assure un taux minimum de pertes américaines et qui évite les pertes chez les civils, dans le but de garder le soutien de l'opinion publique. Le dernier Livre Blanc sur la Défense2, publié en France en 1994, déclare " la volonté de minimiser les pertes en vies humaines dans nos rangs, chez l'adversaire éventuel et surtout dans la population civile ".

L’ampleur de ce thème et la nécessaire limitation de l’exposé qui suit amène à choisir une méthode consistant à donner quelques "coups de projecteur" sur des faits remarquables par leur signification. Le choix des évènements retenus ne peut être neutre, puisqu'il n'est pas exhaustif ; il peut même paraître excessivement critique. Il n'y faut voir aucun parti pris, mais simplement la confirmation du fait qu'il est préférable, à des fins d'enseignement, d'exposer les échecs et les difficultés plutôt que les réussites.

 

L'opinion publique: une génération spontanée ?

 

Un phénomène qui n'est pas nouveau

Le premier conflit "médiatisé", au sens moderne du mot, est sans doute l'intervention américaine au Mexique, laquelle s'achève le 17 septembre 1847 avec la capture de sa capitale ; l'opinion publique américaine d’alors est, déjà, partagée. Bien que les effets de l'opinion nous apparaissent comme un phénomène récent, cette perception ne traduit en fait que notre absence de mémoire. Les instructions des unités françaises intervenant au Liban sont les suivantes : " vous allez porter secours. Ainsi votre mission est-elle essentiellement réparatrice, temporaire. Elle revêt[irait] le caractère d'un acte de justice et d'humanité "3.

La diffusion d'informations par l'état-major du corps expéditionnaire irrite le ministre : " Il faut prendre garde que, dans des circonstances données, cette publicité quelque peu officielle égare l'opinion et crée au gouvernement lui-même, des embarras "4. Le commandant Ardant du Picq a ce commentaire quant à l'efficacité de l'intervention : " nous avons empêché de nouveaux massacres, car les Musulmans avaient pris goût à la chose. Mais voilà tout. [...] On parle encore de maisons relevées par nous, d'indemnités données, etc.; plaisanterie encore de la stupide réclame qui accompagne partout les armées françaises "5. Car à l'époque, la " réclame " ne s'appelait pas encore " publicité " ; nous sommes en 1860, époque où Napoléon III protégeait les Chrétiens du "pays du Cèdre" ; les comportements et le monde ont-ils réellement changé ?

Le 4 juin 1918, l'offensive allemande sur le Chemin des Dames provoque une intervention à la Chambre : " Monsieur le président du conseil, il ne nous a pas paru que dans les combats récents, toutes les mesures de précaution nécessaires pour sauvegarder la vie de ces hommes, pour employer leur héroïsme d'une façon plus utile, aient été prises avec assez de clairvoyance "6. Quelques années après, les opérations au Maroc de la guerre du Rif, du 20 mai au 5 juillet 1923, causent 150 tués et 426 blessés, soit un peu moins de trois pour cent des 20 000 hommes engagés. De Lattre, alors jeune officier, écrivait alors: " j'apprends que nos pertes... rançon inévitable [...] ont causé de l'émotion à Paris, des articles alarmants...des interpellations à la Chambre "7.

 

Opinion publique: manifestation anti-OTAN à Rome, 27.03.99

L’opinion, frein ou accélérateur…

Ce qu'il est convenu de nommer " l'opinion publique " devient ainsi un objet et un sujet du Politique. " Objet " quand les gouvernements utilisent l'opinion pour obtenir l'adhésion des citoyens au projet politique qu'ils mettent en oeuvre. " Sujet " quand l'opinion exerce une action telle qu'elle en vient à agir sur les choix du pouvoir politique. Il est habituel de ne considérer l'opinion qu'au travers de la conception occidentale de la démocratie. Cette vision est réductrice, et il est assez aisé de démontrer que toute structure politique est confrontée à une opinion. Certes, celle-ci n'est pas toujours " publique "; elle peut ainsi emprunter, entre autres traits, ceux d'une faction, d'une " intelligentsia " ou d'un pouvoir religieux.

Le docteur Gustave Le Bon résumait parfaitement cette problématique dans ses Enseignements psychologiques de la guerre européenne, publiés en 1916. " Il n'est plus aujourd'hui de despote assez fort pour gouverner contre l'opinion, mais il est facile de la créer "8. Presque un siècle plus tard, le Livre Blanc sur la Défense fait état des dangers représentés par la manipulation de l'opinion publique. " Elle peut, à la limite, desservir l'intérêt national et la défense "9. Il s'agit là d'un aveu démontrant l'extrême ambiguïté des relations entre gouvernement et citoyens au sein des démocraties libérales…

Les dernières années nous ont donné de nombreux exemples d'actions contraires de l'opinion publique sur nos gouvernements. Les conséquences aux Etats-Unis des attentats de Beyrouth, le 23 octobre 1983, sont parfaitement représentées par le titre du journal Le Monde du lendemain : " Il faut ramener les 'boys' au pays ". L'opinion met un frein à l'action politico-militaire. Le moyen de dissuader l'intervention militaire américaine est d'augmenter ses taux de pertes en espérant que l'opinion lui retire son soutien10.

L'intervention occidentale en Somalie de 1992 illustre le phénomène inverse, au nom du devoir, et peut-être du droit, d'ingérence humanitaire. " L'effet médiatique incitant à l'intervention et au recours des moyens militaires sous le coup d'une émotion, dans la précipitation "11. Retour du balancier, car en dernier lieu, " cette même puissance des images, cette fois concentrée sur les pertes et le désarroi des troupes américaines, en a imposé le rapatriement "12.

 

Une importance parfois très relative

En effet, l'affaire somalienne est un exemple caricatural. A la suite d'une " prise de conscience " de l'opinion publique et sous la pression médiatique, les Occidentaux engagent devant les caméras l'opération Restore Hope. Le 5 juin 1993, une unité pakistanaise subit dans Mogadiscio de lourdes pertes (22 tués et 54 blessés), avec une discrétion qui honore le gouvernement de ce pays. Il n'en est pas de même le 3 octobre suivant quand une compagnie de Rangers découvre les aléas de la progression en milieu hostile; le public américain voit sur le petit écran les cadavres des 'boys' traînés dans la rue (douze tués, 66 blessés, six disparus et un prisonnier)...

L'administration Clinton démontre alors qu'elle est capable d'une grande plasticité au fil de ses déclarations successives, passant de la promesse de renforts à l'annonce de la date d'évacuation en moins de trois jours : le 6 octobre " les Américains envoient des renforts ", le 8 octobre " le président envisage un désengagement ", le 9 octobre il est question d’un " retrait effectif le 31 mars 1994 au plus tard ". Le " bandit " Aïdid change de statut et devient un interlocuteur politique responsable.... " Partir, mais sans donner l'impression de céder après un revers militaire "13.

Ce qui fait l'un des intérêts intellectuels de l'Histoire est sa capacité à placer les évènements en perspective. Dix jours après le désastre subi à Mogadiscio, l'ONU échoue devant Port-au-Prince : échaudé, le gouvernement américain est réticent à faire débarquer des troupes en raison d'une démonstration d'hostilité de la population haïtienne. Or, on oublie que deux jours après le double attentat de Beyrouth, le président Reagan avait laissé se dérouler un débarquement de vive force sur l'île de la Grenade. Cette différence de comportement des deux présidents laisse à penser que l'importance attribuée à l'opinion publique est parfois quelque chose de très relatif...

 

Une opinion à géométrie variable ?

On pourrait s'attendre à ce que l'importance quantitative des pertes humaines soit un facteur déterminant de l'opinion publique. C'est loin d'être toujours le cas et si nous sommes peut-être tous égaux devant la mort, les morts quant à eux ne pèsent pas du même " poids "... Les interventions américaines dans les Caraïbes entre 1898 et 1934 ne coûtent guère en matériel et en argent. Quant aux pertes humaines, au demeurant peu nombreuses, le fait qu’il s’agisse de volontaires est pour beaucoup dans l’indifférence de l’opinion14.

En Algérie, l'embuscade de Palestro le 18 mai 1956 aurait-elle eu le même effet si les victimes n'avaient pas été des appelés ? Comment expliquer qu'aux Etats-Unis les pertes de la guerre du Vietnam aient eu à l'époque un tel retentissement, alors que le nombre annuel de morts violentes (toutes causes confondues) sur le territoire américain était bien plus élevé, soit 220 292 morts violentes de 1976 à 1987, pour 46 572 morts au Vietnam entre 1961 et 1977 15?

Les Britanniques déplorent 142 tués lors des opérations des Falklands; l'acceptation de ces pertes est-elle liée au très particulier tempérament britannique, au fait qu'il s'agisse de soldats de métier, ou à la part modérée de ces victimes dans les 1 054 morts de toute nature constatés aux armées de 1980 à 1984 16? Enfin, tenir la " Une " des journaux est à l'origine d'effets d'occultation. L'offensive du Têt du 31 janvier 1968 au Vietnam fait qu'une série d'articles sur la situation au Biafra, parue dans Le Monde, passe inaperçue, alors que cette guerre civile a débuté le 30 mai 1967. Le 29 janvier 1991, en pleine guerre du Golfe, le même journal publie des articles sur le Rwanda, la Somalie et la Croatie. Le 23 février suivant, l'article titré " Somalie, Mogadiscio exsangue "17 précède de presque deux ans l'intervention Restore Hope...

 

La difficulté de la prévision gouvernementale

 

Première guerre mondiale: poste de secours près des tranchées

Les outils de mesure

Un gouvernement a donc bien envie de savoir dans quoi il s'engage et où il envoie ses fonctionnaires, lesquels, on le sait, lui coûtent fort cher. Il veut connaître le coût prévisible d'une intervention pour pouvoir exercer un choix rationnel. On le sait, l'art de prévoir est un exercice difficile et les surprises désagréables n'ont pas manqué. La Grande Guerre de 1914-1918 est la marque, sur l'échelle des temps historiques, de la découverte du coût des conflits. Le précédent des guerres napoléoniennes, voire même, si on se livre à une lecture attentive, celui de la guerre de Trente-Ans au XVIIème siècle, n'avaient pas provoqué de profondes réflexions parmi les élites de la Nation.

Au risque de fâcher les Latins, il est juste de dire que l'exemple comptable vient du Nord puisque au XVIIème siècle l'armée suédoise de Gustave-Adolphe dispose de registres tenus à jour et d'une statistique des pertes. La commune de Bygdea fournit 230 hommes entre 1621 et 1639. Sur ce nombre on compte à cette dernière date 215 morts, cinq estropiés et seulement dix soldats encore en service. Le nombre d'adultes mâles de la commune passe de 468 à 288. Malgré cette hémorragie, 27 conscrits sont rassemblés le 6 juillet 1648 ; tous, sauf un, meurent dans l'année18.

Deux siècles plus tard, le 22 janvier 1851, la France se dote d'une loi pour comptabiliser les décès et les maladies au sein des armées. L'instruction du 5 décembre 1874 sur les Historiques des corps de troupe met en place un recueil écrit des pertes en campagne. Jusqu'alors la statistique était basée sur le hasard; un bel exemple de travail est donné par Chenu, qui exploite en cinq ans 1 150 000 fiches des campagnes de Crimée et d'Italie, aidé il est vrai par 18 sous-officiers19.

En 1895, le désastre sanitaire de la campagne de Madagascar incite l'état-major français à se pencher sur les pertes subies lors des précédentes campagnes coloniales, et ce d'autant plus qu'un député avait fait état à la Chambre des risques liés à cette expédition. La section historique renvoie sans succès l'état-major au service de santé et aux archives administratives. Il est impossible à la section historique de " fournir des chiffres exacts sur les pertes subies par les corps expéditionnaires qui ont pris part à la conquête de l'Algérie, de la Cochinchine, de la Tunisie, du Tonkin et du Dahomey "20. On constate avec regrets que les vingt années qui suivent la campagne de Madagascar ne tiennent aucun compte de cette expérience, eu égard à la situation de la statistique au 1er août 1914.

 

Les pertes de la Grande Guerre

Les pertes françaises de la Grande Guerre se traduisent par un drame humain (27 pour cent des hommes entre 18 et 27 ans disparaissent), un coût financier important et sur un plan qualitatif par la disparition d'une proportion non négligeable des élites. De Gaulle écrit " la guerre s'était chargée, déjà, de faire disparaître les meilleurs "21. A plus long terme, d'autres conséquences apparaîtront, notamment les " classes creuses " de la fin des années trente et la politique d'apaisement face à la montée de la menace allemande.

L'importance quantitative des pertes subies par la France entre 1914 et 1918 est analysée de manière approfondie dans deux rapports consultables aux archives du Service Historique de l'Armée de Terre au château de Vincennes. Le premier, signé du colonel Roure, rend compte de l'utilisation des effectifs ; le second, signé du député Louis Marin, vise à estimer le coût financier des pensions à verser22. Ces rapports publiés à la fin du premier conflit mondial donnent des chiffres de pertes extrêmement précis, et on ne peut que s'étonner d'une telle performance de la statistique eu égard aux conditions propres de l'époque.

La consultation des archives montre qu'il fut difficile et long de parvenir à un tel résultat. En fait, l'armée n'avait mis en place aucun système de recueil de ses pertes. " Le sous-secrétariat d'état du service de santé a émis lui-même l'avis qu'on ne pouvait tirer aucune statistique certaine des chiffres fournis en 1915 ". Elle dût brutalement s'en préoccuper lorsque le pouvoir politique, le 19 janvier 1916, commença à lui demander quelques comptes. " Cette lacune se faisait vivement sentir au moment où on éprouvait le besoin de baser sur les données de l'expérience des prévisions de plus en plus précises concernant l'entretien des effectifs des armées "23. Ce moment tombait bien, puisque les Allemands l'avaient choisi pour déclencher à Verdun une bataille destinée à user l'armée française.

L'organisation se met en place du 8 février 1916, (jour où une note définit quatre modèles de fiche à remplir dans les dépôts), au 16 avril 1916, date de publication du décret qui transforme le bureau des renseignements aux familles en service général des pensions, dirigé par un civil et chargé officiellement de la statistique des pertes. Vouloir, c'est pouvoir et les résultats suivent : au 16 mai, 2 525 762 fiches ont été remplies pour apurer 19 mois de retard. Au 1er juillet 1916, jour de la sanglante offensive sur la Somme, l'outil statistique est opérationnel, malgré quelques aléas24.

La rivalité entre le 5ème Bureau de l'Etat-Major et le Service Général des Pensions rebondit en novembre, lorsque ce dernier fait parvenir un rapport critique au ministre. Les deux services arrivent à des chiffres très différents et le S.G.P. déclare qu'il est " impossible de laisser susbister une pareille incertitude ". On appréciera la déclaration du 2ème Bureau qui écrit à l'automne : " Notre façon d'enregistrer les pertes est un peu différente de la façon allemande; son trait dominant est la sincérité "25.

Si une organisation statistique existe, elle n'est pas toujours exhaustive; la tendance est de compter les éléments pour lesquels on vous demande des comptes, et d'ignorer les autres. Lors de la guerre du Rif, De Lattre signale qu'on ne compte pas " les pertes des partisans, que n'indiquent jamais les communiqués officiels, et qui d'ailleurs se montent exactement à 68 tués et 137 blessés "26. Lors des campagnes d'Italie et de la Libération (1943-1944), les états nominatifs de l'Historique du 3ème groupe de tabors marocains n'indiquent que les pertes des Européens27.

Quand en 1978, un historien allemand interroge le secrétariat d'état aux Anciens Combattants sur les pertes françaises de la seconde guerre mondiale, il n'obtient que des données approximatives... " Mon département ministériel ne possède pas de statistiques officielles des pertes de vies humaines pour toutes les guerres "28. En bref, les leçons de l'Histoire ont du mal à être retenues….

 

Les prévisions et leurs démentis

La décision du gouvernement américain d'employer l'arme atomique en 1945 fût en grande partie basée sur la nécessité d'économiser les G.I.'s : " Les prévisions de nos chefs d'état-major, quand il fallait chiffrer les pertes dont il nous faudrait payer l'invasion du territoire japonais, étaient atterrantes ". Marshall estimait celles-ci à 500 000 morts américains et à quatre millions de Japonais29. Si on ajoute à cela l'effet de puissance attendu sur les futurs rivaux politiques et économiques, l'utilisation de la " Bombe " devait paraître évidente...

Les tristes estimations de pertes prévisionnelles furent agréablement démenties lors des opérations de la seconde guerre du Golfe. En Grande-Bretagne, le War Office craignait cinquante pour cent de pertes, la 24ème U.S.A.D. prévoyait pour elle-même 500 à 2 000 tués et blessés; ce fût le Secrétaire d'Etat américain à la Défense Lee Aspin qui eût la meilleure prévision : 500 à 1 000 morts. Le Pentagone avait fixé le seuil acceptable de pertes à trois compagnies par brigade30 et avait déployé 61 000 sacs-cercueil sur le théâtre d'opérations31. La réalité fut de 148 tués (sur un total de 391 décés) et de 467 blessés américains au combat.

 

Le rôle des services de santé

La mortalité générale des blessés de guerre diminue à partir de la seconde moitié du XIXème siècle, et il faut environ cent ans pour arriver aux excellents résultats constatés pendant la guerre du Vietnam ou lors des dernières opérations militaires israéliennes. Aujourd’hui, l'opinion, le gouvernement, et parfois même le service de santé considèrent que tout blessé pris en charge par la chaîne " santé " est tiré d'affaire, ce qui semble relever d'un excès d'optimisme. Pour la guerre du Golfe, " il fallait enfin compter avec le phénomène tout à fait nouveau de la pression médiatique: au-delà d'une obligation de moyens, le service de santé se considérait comme tenu à une obligation de résultat "32. On pouvait ainsi affirmer, cinq ans après, dans Médecine et Armées, que depuis 1990, " en tout lieu et en toute circonstance, aucun blessé, pris en charge au niveau des antennes chirurgicales et ceci dans les conditions les plus difficiles, n'a succombé "33.

 

Figure n°1 : évolution du pourcentage de mortalité des blessures

 

Mais ces succès sont liés à l'attribution d'importants moyens médicaux avec l'obligation d'évacuer rapidement et en sécurité les blessés vers l'arrière. Si ces conditions disparaissent, il faut craindre de revenir à des taux de décès analogues à ceux de la première mondiale : les causes de la mortalité des blessés de Diên-Biên-Phu devraient toujours rester présentes dans nos esprits. Pour des effectifs respectifs de quinze mille et de dix mille hommes, on compte trois chantiers opératoires à Diên Biên Phu contre dix en première ligne lors de l'opération Daguet34. Chose curieuse pour l'historien et qu'il faudrait faire expliquer par les logisticiens : à près d'un demi-siècle de distance les taux prévisionnels de pertes journalières lors de la conception des deux opérations sont identiques : trois pour cent35.

L'impossibilité d'utiliser la piste d'aviation pour évacuer les blessés est la cause de la saturation des antennes chirurgicales : deux blessés de l'abdomen sur trois sont écartés des soins chirurgicaux lors du triage36... La mortalité des blessés oscillle entre dix et trente pour cent. L'âge moyen des chirurgiens est de 28-30 ans et la radioscopie est détruite par l'artillerie Viêt Minh le troisième jour du siège. En raison d'antécédents dans la 2ème D.B., le médecin du 1er B.E.P. fait de son infirmerie l'un des rares abris aménagés pour résister au coups directs de 105 mm. Savoir, c'est pouvoir37...

Car rien de tel que la bataille pour créer un afflux brutal de victimes. En quatre heures, sous le feu de l'artillerie, le 1er Btn des Inniskillings Fusiliers perd à Waterloo 117 tués et 310 blessés sur les 698 hommes figurant à son effectif. Un siècle plus tard, le 1er juillet 1916 sur la Somme, le bataillon du même nom perd 245 tués et 323 blessés sur 801 soldats engagés, mais cette fois en une demi-heure38. Les interventions militaires de ces dernières années ne sont certes pas comparables à ces massacres, mais serait-il possible de maintenir d’excellents résultats chirurgicaux face à un tel afflux ?

Le tri pose des problèmes de conscience car " il résulte d'une transaction nécessaire entre l'idéal médical et les exigences militaires "39. Il en résulte que " l'on place à l'écart ceux des blessés qu'on appelle les morituri "40. Pour faciliter la prise de décisions cruelles, le commandement est amené à définir les priorités de soins. Ainsi, en mai 1940, lors de l'évacuation de Dunkerque, la consigne est de " ne donner exclusivement des soins qu'aux blessés récupérables pour l'armée et à ceux-là seuls dont la vie pouvait être sauvée "41. Il a été fait état, lors des épidémies survenues dans les camps de réfugiés rwandais à l'été 1994, des difficultés subies par les personnels de santé devant les choix qu'ils étaient amenés à faire. " Il apparaît très difficile, voire impossible de catégoriser un enfant en urgence dépassée "42.

Un an avant la guerre du Golfe paraît un article dans Military Medicine qui évoque l'euthanasie face à des pertes massives43. Il est difficile de concevoir une bonne méthode pour expliquer de telles pratiques à l'opinion publique. Même la " communication " a ses limites.... Lors de la campagne de Syrie, le dilemme de Desgenettes face aux pestiférés de Jaffa est repris par la propagande anglaise de l'époque, bien que Las Cases l'ait ensuite lavé de tout soupçon : " Napoléon demanda au médecin en chef si ce ne serait pas un acte d'humanité que de leur donner de l'opium ; il est très vrai encore qu'il lui fût répondu alors par ce médecin que son état était de guérir, et non de tuer "44. Sans aller aux extrémités de la campagne du Dahomey, où les blessés ennemis sont achevés sur place45, la réflexion d'André Soubiran, récente à l'échelle de l'histoire, est là pour rappeler, le nécessaire devoir de soulager les souffrances : " être l'opium de ces âmes désespérées "46.

 

Le commandement face aux pertes

 

Deuxième guerre mondiale: évacuation d'un soldat blessé en Normandie par des infirmiers US

L’emploi des forces et les règles d’engagement

Si au début du XVIIIe siècle le " Roi-sergent ", père du grand Frédéric, hésite à employer son armée par crainte de l'abîmer, son fils en fera largement usage avec les résultats que l'on connaît. Un demi-siècle plus tard, la Révolution française et Napoléon Bonaparte changent la dimension de la guerre ; tous deux s'exposent, certes pour des raisons très différentes, aux reproches des intellectuels et des historiens. Carnot veut " exploiter nos avantages du nombre et de l'élan, sans borner l'effort, ni mesurer les pertes "47.

En 1914, la doctrine de l'offensive à outrance entraîne des pertes telles que le contenu des ordres est modifié dans sa forme en décembre 1915 : " Les expressions 'enlever coûte que coûte' ou enlever 'à tout prix' sont rayés du vocabulaire "48. La différence de conception des opérations est bien résumée par l'historien britannique Liddell-Hart qui oppose Mangin (" La victoire à tout prix ") à Pétain (" La victoire au moindre prix possible ")49. En Indochine, Giap " accepte, si besoin, les pertes les plus lourdes " pour assurer un succés qu'il exploitera politiquement50.

Le coût humain des opérations militaires est de la responsabilité du commandement et c'est à ce dernier qu'il devrait appartenir, en dernier ressort, de juger du rapport coût / efficacité. La libération de la Corse en 1943 coûte 72 morts et 270 blessés soit, selon le général Giraud, " une légère saignée toujours trop forte, certes, mais insignifiante par rapport aux résultats obtenus "51.

Les pertes " zéro " semblent avoir pris une importance telle qu'elles en viennent à modifier les règles d'engagement lors des opérations militaires. L'action de l'armée de l'air française sur les colonnes du Polisario en Mauritanie lors de l'opération Lamantin en 1977 demandait le feu " vert " du gouvernement mauritanien et l'accord formel du pouvoir politique français... " Dans de telles opérations, les pertes au combat ont une résonance particulière [...] des pertes, même minimes, peuvent transformer un succès tactique en échec politique, par l'exploitation qui en sera faite "52.

L'opération Rosario, invasion argentine des îles Malouines a lieu le 2 avril 1982. Les unités se virent imposer des règles sévères afin d’éviter tout dommage matériel et toute perte humaine qui auraient pu être utilisés par les Britanniques à des fins d’escalade. Face à madame Thatcher, cela n’a pas suffi…53.

 

Destructions de la guerre: une vue de Brest en août 1994

Les pertes dites "collatérales"

Dans un ouvrage titré On the other Side of the Hill, Liddel-Hart porte son regard de l'autre côté de la colline en donnant la parole aux généraux adverses. Les opinions publiques occidentales regardent aujourd'hui ce qui se passe sur l'autre versant, et elles sont devenues extrêmement sensibles aux pertes civiles occasionnées lors des opérations militaires : les dirigeants sont censés être l'ennemi, et peuvent donc être frappés, mais les peuples, eux, ne seraient que des adversaires… Si le pouvoir politique est soumis à l'opinion publique, le commandement l'est donc aussi dès lors que les opérations militaires sont susceptibles de causer des pertes, notamment parmi les non-combattants. La règle du jeu " politico-médiatique " permet de mettre à la une des journaux ce qu'il est convenu d'appeler des bavures...

Au début du siècle, la Grande-Bretagne est choquée par le traitement subi par les civils Boers. Après un premier voyage, Emily Hobhouse annonce au public britannique l'existence de camps de concentration où les enfants et les femmes sont traités de manière déplorable. L'armée britannique l'intercepte à son débarquement au Cap lors de son second voyage et la renvoie en Grande-Bretagne54. Le correspondant de guerre Sir John Arridson s'évade " des camps de concentration où il avait imaginé, pour mieux en décrire les horreurs, de se laisser enfermer avec les derniers soldats de Kronje " et écrit que " les prisonniers boers, parqués comme des lapins, mouraient lentement sous le ciel empesté "55.

De 1918 à 1920, l'armée américaine réprime un soulèvement haïtien au prix de 2 000 tués et blessés contre une centaine de Marines et de gendarmes. Bien que le taux des pertes adverses soit analogue à ceux rencontrés dans les guerres coloniales et résulte de la puissance de feu, certains éléments de l’opinion américaine en conclurent que les Marines s’étaient livrés à un génocide56.

En Algérie, le bombardement par l'aviation française de positions rebelles en territoire tunisien, le 8 février 1958 à Sakiet (75 tués et 83 blessés), est assimilé aux bombardements de Guernica et de Coventry dans un article de quatre pages du journal Le Monde57. Pour ce qui est des comparaisons quelque peu abusives, il est bon de signaler que le bombardement de Guernica avait causé le 26 avril 1937 un total de 1 654 tués et 889 blessés. Néanmoins, le commandant en chef en Algérie fait " suspendre jusqu'à nouvel ordre les consignes de riposte "58.

Le 16 mars 1968, les habitants du village de Son My (plus connu sous le nom de My Lai), sont massacrés par des soldats américains arrivés en hélicoptère. On dénombre 504 civils tués, dont 182 femmes (17 enceintes), 173 enfants et 60 vieillards de plus de 60 ans. L'affaire est révélée en novembre 1969 par le New-York Times59. Cette affaire, survenue au même moment que l’offensive du Têt, contribue au retournement de l’opinion publique américaine.

Le 2 mai 1982, un sous-marin nucléaire britannique coule le Général Belgrano en dehors de la zone d'interdiction. " L'importance des pertes causées par le torpillage du croiseur argentin 'General Belgrano' [...] commence[nt] à inquiéter certaines capitales européennes "60. Le 6 mai, 680 marins ont été récupérés sur un équipage de 1 042 hommes; on compte 321 à 368 morts.

Lors de la seconde guerre du Golfe, le département de la défense tire les conséquences du risque de pertes civiles irakiennes lors des bombardements aériens61. Une cible n'est pas attaquée si la probabilité de dommage collatéral est trop élevée (le terme étant traduit du " pentagonais " " collateral damage ", expression due à Jacques Baily). Malgré ces précautions survient le 13 février 1991 l'affaire du bunker d'Al Firdus. Il n'y eût pas d'erreur sur l'emplacement de la cible, mais on ignorait la présence de civils, parmi lesquels on aurait compté 94 morts62.

L'erreur de la Royal Air Force le 17 février fait beaucoup moins de bruit, au moins dans les journaux. Une bombe à guidage laser rate le pont de Fallougah avec aux résultats 30 à 130 tués et 78 à 100 blessés63. La Guerre du Golfe n'est donc pas si propre qu'il y paraît au premier abord et les pertes " zéro " ne concernent pas vraiment les Irakiens. " Le général Schwarzkopf s'est refusé brutalement à toute estimation du nombre des morts (body count) " mais " les forces irakiennes ont subi des pertes très importantes " Les estimations sont de plusieurs dizaines de milliers de victimes64.

Les pertes indirectes sont constatées par les statisticiens et non par les journalistes : la destruction des sources d'alimentation électriques des stations de pompage désorganise la distribution d'eau potable et provoque une importante surmortalité infantile irakienne, estimée par le New England Journal of Medicine à 46 900 décès de janvier à août 199165. Ceux qui lisent la presse ont pu voir que la cotation du coût humain de l'embargo pour les enfants irakiens était estimé à 500 000 morts...

Plus récemment , le 11 avril 1996, débute au Liban l'opération " Raisins de la colère " ; le 18 avril, cinq obus de 155 mm frappent des civils réfugiés dans un camp de l'ONU à Cana (Sud Liban) et font " quatre-vingt dix-huit tués, en majorité des femmes, des enfants et des vieillards, et cent cinq blessés ". Lors des élections qui suivent, l'opération, devenue un échec politique, joue un rôle contraire à celui qui était prévu par Shimon Peres66.

 

Seconde guerre mondiale: Omaha Beach, 06.06.44

Le commandement obéit au gouvernement

Dans les faits, le commandement est loin d'être libre de ses décisions. Dans Paris assiégé en 1871, le cynisme des membres du conseil de guerre vise à prévenir la survenue de troubles parmi la Garde nationale: " C'est une saignée à laquelle on entend la soumettre. Une fois battue, elle sera mal venue à protester contre la capitulation inévitable "67.

Dans l'hiver 1944-1945, la ville de Strasbourg est menacée d'être reprise par les Allemands en raison d'un éventuel retrait américain. Les enjeux de politique intérieure du général de Gaulle se heurtent aux instructions de Devers, commandant du groupe d'armées et à ce titre supérieur hiérarchique du général de Lattre. Ce dernier se retrouve ainsi dans une situation inconfortable, tant stratégique que diplomatique. Eisenhower écrit dans ses mémoires : " La question de Strasbourg n'allait pas cesser de m'importuner pendant toute la bataille des Ardennes ". Quant à de Gaulle " il préférerait masser toutes ses forces autour de Strasbourg, dut-il perdre toute l'armée, plutôt que d'abandonner la ville sans combat "68.

Cette position française allait à l'encontre des habitudes américaines. " La tradition américaine est économe du sang de ses hommes et ne se résignerait pas à le dépenser en vue d'un succès aléatoire "69. A cette époque, le général Marshall transmettait chaque jour un état des pertes au président Roosevelt sous forme de graphiques pour que ce dernier puisse toujours les avoir à l’esprit... La survenue d'un décès entraînait de la part de Marshall, d'abord l'envoi d'une lettre (devenue plus tard une simple carte en raison de l'accroissement du nombre des tués), ensuite la mutation des éventuels parents sur des postes non exposés70.

L'attitude de Marshall traduit en fait la responsabilité morale qui pèse sur le commandement. A la suite de la première guerre mondiale le général von Seekt écrivait: " Etre obligé [...] d'exposer la vie des autres pèse lourdement sur la conscience "71. Le poids qui en résulte est tel que le grand-amiral Doenitz et le général Salan, hommes connus pour la solidité de leur caractère, n'hésitent pas à en faire état dans leurs mémoires. Les marins connaissent le prix payé par les sous-mariniers allemands dans les deux dernières années de la seconde guerre mondiale. Ils ont été maintenu au combat " malgré de minimes perspectives de succès "72. En Indochine la durée de séjour n'est pas strictement respectée et " un bon nombre de combattants se sont faits tuer alors qu'ils auraient dû être rentrés. Ce fût là une des grandes plaies morales des chefs responsables sur place "73.

Afin de diminuer l'effet de la souffrance des hommes sur leurs décisions, certains se placent volontairement à distance. Napoléon Ier réprimande ainsi un officier : " Colonel, je ne vous demande pas ces détails!... l'Empereur craignait des plaintes qui ne pouvaient qu'affaiblir celui qui s'y laissait aller et celui qui les entendait "74. Cette attitude ne doit pas être prise pour un absence de sentiments humains. C'est parfois même le contraire, comme en témoigne la déclaration de Joffre après la visite d'un hôpital : " Ne m'amenez plus ici, je ne pourrais plus ordonner une attaque "75.

Ces réflexions amènent à poser le problème de l'obéissance aux ordres, question difficile et controversée, surtout depuis quelques décennies. La position des hommes politiques est claire, y compris en France, et reflète simplement le fait que la fonction guerrière chère à Georges Dumezil est soumise à la fonction souveraine. Clémenceau ne permet " en aucun temps, sous aucun prétexte, de se départir " de l'obéissance76. Pour les officiers, chargés de l'exécution des décisions, il n'en est pas toujours de même. L'honneur d'abord, basé sur un code particulier, puis l'introduction de la morale ou du " politiquement correct " servent parfois de fondement au refus d'exécution des ordres.

Le 20 juillet 1804, devant des conditions de mer difficiles, l'amiral Bruix refuse de disposer la flotte pour une revue au camp de Boulogne. Napoléon Bonaparte persiste, et un autre officier signe pour un résultat final de 200 noyés77. Le 30 juillet 1916, face à Foch, le colonel de Coutard demande à être relevé de son commandement en raison du refus de son supérieur d'accorder le repli de sa brigade. Il obtient ainsi gain de cause et l'admiration de l'un de ses subordonnés, le futur général Béthouart, commandant à Narvik, lequel admire le courage de son chef, " qui, par sa force de caractère, a, ce jour-là, sauvé bien des vies humaines "78.

Le dilemme est manifestement douloureux pour tout militaire. Le général Mast, rebelle d'Afrique du Nord en novembre 1942, ne reconnaît " qu'un seul critère: la rebellion se justifie par le succès "79. Le général von Choltitz, confronté à l'ordre de détruire Paris, cite les " limites au-delà desquelles l'obéissance cesse d'être un devoir. A Paris, il me fallut les franchir [...]. Cependant, je tiens à rappeler clairement qu'une armée ne peut exister sans une obéissance absolue "80. Le général Salan, partie prenante du putsch des généraux en Algérie, argue, quant à lui, que l'officier " doit agir dans l'intérêt de sa troupe "81.

 

Santé du soldat: vaccins contre l'anthrax des Forces armées américaines

Le combattant face aux prescriptions du commandement

Le devoir de discipline s'allie aux prescriptions du service de santé dés lors qu'il s'agit d'éviter les pertes humaines causées par la fatigue et par la maladie. Il est bon de rappeler que celles-ci ont longtemps pris le pas sur les pertes au combat : la situation change à la fin du XIXème siècle avec notamment la révolution pasteurienne. Dés 1923, Dumas souligne l'importance du contrôle exercé par le chef de corps sur les conditions générales d'hygiène et il cite Lagrange, qui recommandait de changer le colonel pour faire disparaître la fièvre typhoïde82.

Le choléra décime les divisions engagées dans la Dobroudscha du 21 juillet au 18 août 1854: sur 10 590 hommes de la 1ère D.I., on compte 2 568 malades atteints par le choléra, dont 1 886 décès. La division Bosquet, où les consignes d'hygiène étaient strictes, subit le moins de pertes: 518 cas de choléra et 350 décès83. La mortalité des appelés français Outre-Mer explique en partie la proposition de loi du député Victor Guichard, qui envisage le 5 février 1881 la création d'une armée coloniale, ce qui sera réalisé le 5 juillet 1900.

Lors de l'intervention de 1895 à Madagascar, un tiers des effectifs engagés meurent de paludisme. La faible mortalité des médecins laisse à penser que ce désastre était évitable : l'instruction du 18 janvier 1895 relative à la prise de quinine n'est pas strictement respectée et les hommes sont soumis à une fatigue excessive84.

Lors de la campagne de Birmanie, le général Slim applique des " contrats d'objectifs " à ses chefs de corps : ceux-ci sont remplacés dés que les cas de paludisme recensés dans leurs unités dépassent une valeur seuil85. Nul doute que cette efficace pratique n'incite à modifier les statistiques de recueil. Le colonel Bramble, confronté aux remarques de sa hiérachie, donne des consignes à son médecin d'unité : " Vous pouvez reconnaître des bronchites, des maux de gorge et des gastro-entérites, mais je ne veux plus de pieds gelés pendant trois jours "86...

Le soldat-citoyen, conscient de ses droits, n'est parfois pas enthousiaste à l'idée de devoir ingérer, surtout à titre expérimental, un certain nombre de médicaments ou de produits inconnus. La prise obligatoire d'anticholinestérasiques par les troupes américaines du Golfe Persique entraîne des recours, non seulement hiérarchiques, mais aussi judiciaires. Le Mestinon° n'a pas l'agrément de la Food and Drug Administration pour la prévention des effets des neuro-toxiques de guerre et son administration à des citoyens américains reposait donc sur une double dérogation. Les plaintes déposées sont repoussées et la règle du libre consentement est mise entre parenthèses : deux millénaires après Cicéron, les instances judiciaires se rangent à son avis et font silence devant les armes87, reconnaissant ainsi qu'il est difficile d'avoir une discussion métaphysique sous le feu ennemi88...

 

Adaptation ou pathologie: l’évolution du commandement

L'attitude des opinions publiques face aux pertes humaines est un fait de culture dont personne ne peut s'affranchir, y compris les professionnels de l'action militaire. Au cours du XXème siècle, la conception de l'exercice de la discipline a changé au sein même du commandement en raison de la prise en compte des troubles psychiatriques.

L'armée britannique de la première guerre mondiale était alors presque totalement ignorante des troubles psychiques de guerre, mais selon Babington, cette méconnaissance était inexcusable89. Les exécutions sont au nombre de 266 pour désertion et de 27 pour couardise. Or, la punition par le fouet avait été abolie en 1881 et il n'y avait pas eu de sentence de mort exécutée pour désertion entre 1803 et 1901, à l'exception d'une seule, confirmée par Kitchener lors de la guerre des Boers.

Le fait que la peine de mort eut pu être employée pour des cas relevant de la psychiatrie entraîne son abolition en 1930, pour toutes les infractions au code militaire à l'exception de la trahison et de la mutinerie90. Il a fallu décider de la nature même du phénomène psychiatrique afin de le soumettre soit à la discipline et aux gardiens des camps disciplinaires, soit aux médecins. Quelque part, la maladie psychiatrique rejoint la maladie vénérienne91...

Des années plus tard, en août 1943 lors des opérations de Sicile, le général américain Patton traite de " couards " les personnels incapables de combattre en raison d’une fatigue nerveuse92 et assène une gifle à un malade; l'ayant fait en public, il reçoit un blâme de sa hiérarchie et doit présenter personnellement des excuses devant les journalistes. Les changements sémantiques traduisent cette évolution des esprits et la psychiatrie de l'avant prend désormais en compte les désordres mentaux tant chez les appelés que chez les professionnels, même si la prévalence des troubles n'y semble pas être identique…

 

Guerre et médias: image du F-117 abattu diffusée par la TV serbe, mars 1999

Le nécessaire contrôle des médias ?

Le contrôle de l'opinion apparaît donc comme essentiel aux gouvernements qui souhaitent conserver la maîtrise de leur capacité décisionnelle. Il existe une fâcheuse tendance à voir varier d'amplitude les chiffres de pertes, que ce soit vers le haut ou vers le bas. Le nombre des morts a tendance à s'accroître avec le nombre d'articles publiés sur un événement : le 1er mars 1948, en Indochine, le convoi de Dalat est attaqué par le Viêt-Minh. Le chiffre réel des pertes est de 51 tués (dont 46 civils), 22 blessés et 26 disparus. Or, " l'opinion a été frappée par l'incident, excessivement grossi par la presse, du convoi de Dalat "93. Le Monde du 3 mars 1948 annonce 150 morts du côté français et une dépêche de l'Associated Press déclare " au moins 300 morts "94.

Les deux sujets favoris de la propagande biafraise entre 1967 et 1970 furent le génocide et la famine ; le premier thème visait à développer la résistance interne, le second à s'assurer du soutien de l'opinion internationale car la mort en direct devient insupportable. Pendant deux années et demie, la cause biafraise domina la presse, la radio et la télévision95.

Exemple inverse quand le 26 mai 1965 une Cie australienne tue quinze soldats indonésiens à l'intérieur de leur territoire sur l'île de Bornéo. Il n’en fut fait mention ni dans le journal des opérations de l’unité, ni dans la presse et les Indonésiens choisirent de ne rien dire96. Le gouvernement indonésien fit silence sur cette affaire, d'abord pour masquer son impuissance à empêcher des incursions armées sur son propre sol et ensuite parce qu'il utilisait les mêmes pratiques contre son voisin malais...

Les hommes politiques se sont rendus compte depuis longtemps de l'importance de la presse. Napoléon Ierprononçait que [son] interdiction dans un gouvernement représentatif était un anachronisme choquant, une véritable folie "97. A défaut de pouvoir supprimer la presse, le gouvernement réglemente son activité et le commandement sélectionne les informations qu'il lui communique.

Un article paru dans le Petit Journal le 3 novembre 1912 fait état de la " méthode indirecte " employée par les chefs d'armées pour compliquer " la besogne à plaisir "98. En 1898, l'armée américaine contrôle le seul câble télégraphique permettant l'acheminement des dépêches vers les Etats-Unis et demande aux journalistes de soumettre leurs messages à la censure militaire99.

Cent ans après, retour à la case départ : le 10 janvier 1991, le journal Le Monde annonce le contrôle des articles par l'autorité militaire et deux jours après les journalistes américains déposent une plainte... Les Français usent des mêmes pratiques : le service officiel de communication [S.I.R.P.A.] a seul accès à la ligne de front lors des combats de la guerre du Golfe, "quitte à distribuer ensuite, mais après contrôle, images et films"100.

Cette emprise mise sur la presse, inhabituelle aux Etats-Unis, résulte de l'analyse faite par le Pentagone à la suite des dégâts constatés dans l'opinion après l'offensive du Têt au Vietnam. Cette dure leçon est mise pour la première fois en application lors des invasions de la Grenade (Urgent Fury, 25 octobre 1983) et de Panama (Juste Cause, 20 décembre 1989). Jacques Baily résume ainsi l'aptitude à la communication désormais demandée aux responsables d'opérations : " l'art de se taire, l'art de parler pour ne rien dire ou l'art de dire sur ordre ce que les gouvernements n'osent pas dire eux-mêmes "101.

Dans le Golfe Persique, l'USS Stark encaisse un Exocet le 17 mai 1987 pour avoir trop attendu et perd 37 marins. Peu de temps après, le 3 juillet 1988, l'USS Vincennes subit les conséquences " médiatiques " d'un tir peut-être précipité lorsqu'il abat un appareil commercial iranien. Zéro pertes adverses dans le premier cas, zéro pertes américaines dans le second cas.... Quelle option prendra le prochain commandant quand il faudra prendre un risque ? Craindra-t-il la " fureur journalistique ? "102.

 

Frappe chirurgicale: vue d'un pont sur la Danube détruit par l'OTAN à Novi Sad, Yougoslavie, juillet 1999

En guise de conclusion

Le fait de pouvoir faire la guerre sans pertes apparaissait comme impossible il y a peu. Le général Colin jugeait la fusillade " sans effet moral si elle n'était jamais meurtrière "103. Corbett, auteur britannique de stratégie navale, écrivait après la première guerre mondiale qu'il s'agissait là d'un rêve dangereux. " Chercher l'invulnérabilité, c'est baser nos plans sur la prétention que la guerre peut être faîte sans pertes, en un mot sur quelque chose qui n'a jamais été et ne pourra jamais être "104.

Trois quarts de siècle après, peut-être faut-il sa garder d'un excès d'optimisme en citant Khaled Ben Sultan: " les pertes humaines de la Coalition furent inférieures à 0,04 %, chiffre miraculeusement bas, dû à la rapidité de l'effondrement, de la fuite et de la reddition des Irakiens; il serait déraisonnable d'extrapoler à partir de telles données "105.

Il est peut-être utile de se garder d'une confiance aveugle dans la supériorité technologique. Les deux Livre Blanc publiés en France en 1973 et en 1994 expriment deux avis contraires. Le premier contient la phrase suivante : " Quelles que soient les performances des matériels, ils ne vaudront jamais que ce que valent les hommes auxquels ils sont confiés ". Le second base la supériorité sur " l'avance technologique."

Certes, Cortez conquiert l'empire aztèque de 1519 à 1521 avec 500 hommes, quatorze canons et seize chevaux. De 1531 à 1533, c'est au tour des Incas d'être battu par les 168 Espagnols, quatre canons et 67 chevaux de Pizzare. Mais certains des combats qualifiés du terme " asymétriques " se sont bien mal passés par la suite : la perte de 12 000 Espagnols face aux Rifains survient à Anoual le 21 juillet 1921...

D'où une conclusion en deux points. Le premier est que les pertes d'une compagnie américaine à Mogadiscio et les attentats terroristes sont là pour rappeler qu'il existe des moyens de contourner la supériorité technologique et d'agir comme acteur politique, tant sur les opinions que sur les gouvernements... Le second point veut rappeler l'importance du hasard, en citant le commentaire du général Pagonis, commandant de la logistique américaine dans le Golfe, après la mort de 28 Américains frappés par un missile Scud le 25 février 1991 : " Ils étaient juste au mauvais endroit et au mauvais moment "106.

 


Dr Jean-Jacques Arzalier    


Le Docteur Arzalier, praticien hospitalier au centre hospitalier intercommunal de Toulon / La Seyne-sur-Mer, Chef du service S.A.M.U. - S.M.U.R. - Centre 15 et Médecin capitaine du corps de sapeurs-pompiers, est également Médecin en chef des armées en tant qu'Officier du corps des réserves. Titulaire d'un D.E.A. en histoire militaire, sécurité et défense, il a été décoré de la médaille d'or de la Défense nationale. Il a réalisé plusieurs travaux et publications dans le domaine de la médecine (traumatologie et service de santé) et de l'histoire militaire. Le texte ci-dessus est dérivé d'une conférence réalisée dans le cadre des réserves du service de santé des armées (C.I.R.S.S.A.) en 1996.

 

Notes

  1. " Projections of casualties will be, as they recently have been, a major factor in the political decision to commit the military to warfare and in the decisions by military leaders on how to prosecute an operation once committed " In NATIONAL RESEARCH COUNCIL. - STAR 21: Strategic technologies for the army of the twenty-first century. - Washington DC: National Academy Press, 1992. - p. 30 & 256. Retour
  2. Livre blanc sur la défense. - U.G.E., 1994, p. 116. Retour
  3. Instructions générales du ministre au chef de l'expédition le 2 août 1860, S.H.A.T. carton G4 1 cité in FORCADE (Olivier), GULETON (Frédéric). - " L'expédition française en Syrie en août 1860-juin 1861 ". - Rev Int His Mil, (75), 1995, p. 49-62. Retour
  4. Lettre d'Ardant du Picq à sa femme [PETIT (Lt-colonel). - A la recherche d'Ardant du Picq. - Paris: Berger-Levrault, 1954.] citée in FORCADE (Olivier), GULETON (Frédéric). - " L'expédition française en Syrie en août 1860-juin 1861 ". - Rev Int His Mil, (75), 1995, p. 49-62. Retour
  5. " Lettre du maréchal Randon au général de Beaufort " du 19 janvier 1861 [Mémoires du maréchal Randon. - Paris: Lahure, 1877.] citée in FORCADE (Olivier), GULETON (Frédéric). - " L'expédition française en Syrie en août 1860-juin 1861 ". - Rev Int His Mil, (75), 1995, p. 49-62. Retour
  6. CLEMENCEAU (Georges). - Grandeurs et misères d'une victoire. - Plon, 1930, p. 38. Retour
  7. Lettre à Henri Bidou, du 6 juillet 1923, in LATTRE (maréchal Jean de). - Ne pas subir : écrits 1914-1952. - Plon, 1984, p. 35. Retour
  8. LE BON (Docteur Gustave). - Enseignements psychologiques de la guerre européenne. - Paris: Ernest Flammarion, 1916, p. 15. Retour
  9. Livre blanc sur la défense. - U.G.E., 1994, p. 249. Retour
  10. " The [..] way to deter the use of U.S. force is to vastly increase the probably casualty rate [...] with the expectation that U.S. public opinion will not long support U.S. action in such a situation " In NATIONAL RESEARCH COUNCIL. - STAR 21: Strategic technologies for the army of the twenty-first century. - Washington DC: National Academy Press, 1992. - p. 243. Retour
  11. Livre blanc sur la défense. - U.G.E., 1994, p. 42. Retour
  12. DELMAS (Philippe). - Le bel avenir de la guerre. - Paris: Gallimard, 1995, p. 240. Retour
  13. Le Monde, 6, 8 & 9 octobre 1993. Retour
  14. Domestic outcry over American casualties was not a problem; the servicemen who died were volunteer professionals and few in number " in MILLETT (Allan R.). - " Pacification and Nation-building: the American experience in the Caribbean, 1898-1934 ", p. 236-259 in : Les conflits de haute et de basse intensité depuis la deuxième guerre mondiale : Tome I. - Montréal: XIV° colloque international d'histoire militaire, 1988. Retour
  15. KELLERMANN (A.L.), MERCY (J.A.). - " Men, women and murder : gender-specific differences in rates of fatal violence and victimization ". - J Trauma, 1992, p. 1-5. Retour
  16. FINNEGAN (T.P.). - " The major causes of death in the Army and comparisons with the civilian population ". - JR Arm Med Corps, 1988, p. 22-26. Retour
  17. Le Monde, 23 février 1991. Retour
  18. PARKER (Geoffrey). - La révolution militaire: la guerre et l'essor de l'Occident 1500-1800. - Paris: Gallimard, NRF, 1993, p. 79. Retour
  19. CHENU (Dr J.-C.). - De la mortalité dans l'armée et des moyens d'économiser la vie humaine. - Extraits des statistiques médico-chirurgicales des campagnes de Crimée en 1854-1856 et d'Italie en 1859. - Hachette, 1870. Retour
  20. " Note de la section historique pour l'E.M. de l'armée à la date du 12 octobre 1895 ", Réponse à la demande n° 5277 du 1er Bureau du 11 octobre 1895, Archives du 1er Bureau, colonies 1873-1912. - Vincennes: S.H.A.T., carton 7N 82. Retour
  21. DE GAULLE (Charles). - " La condition des cadres dans l'armée " in Le fil de l'épée et autres écrits. - Paris,1990, p. 668 Retour
  22. La loi du 25 juin 1919 crée ainsi le premier statut juridique des disparus. Louis Marin recommande d'accorder les " présomptions les plus larges quant à l'origine des blessures et des maladies " in MARIN (Louis). - " Rapport supplémentaire fait au nom de la commission du budget ", n° 6659, 5 août 1919. - Vincennes : S.H.A.T., carton 7N552. Retour
  23. Vincennes : S.H.A.T., carton 7N 552, brouillon manuscrit. Retour
  24. ARZALIER (J.-J.).- " Dénombrer les pertes: les difficultés françaises d'adaptation à la Grande Guerre " in Les Armes et la Toge, Mélanges offerts à André Martel sous la direction de Jean-Charles Jauffret, p. 387-400. - Montpellier: Arceaux, 1997. Retour
  25. " Rapport du S.G.P. du 25 novembre 1916 sur les pertes avant le 1° juillet 1916 " et " Les pertes françaises et les pertes allemandes comparées au cours de la campagne ". E.M.A. 2ème Bureau, 27.11.1916. SHAT, 7N552. Retour
  26. " Lettre à Henri Bidou " du 6 juillet 1923 in LATTRE (maréchal Jean de). - Ne pas subir : écrits 1914-1952. - Plon, 1984, p. 35. Retour
  27. Inconnu. - Historique du 3ème groupe de tabors marocains. - sd, p. 80 & 95-105. Retour
  28. Réponse du Secrétariat d’Etat aux Anciens Combattants, 7 septembre 1978, citée in PEUSCHEL (Harald). - Weltverlust Liste. -Freiburg-in-Brigsau: M.G.F.A., Bibliothek, 1980. Retour
  29. TRUMAN (Harry S.). - Mémoires : tome I : l'année des décisions, l'Amérique continue. - Plon, 1955, p. 298. Retour
  30. " Accept losses no greater than the equivalent of three companies per [...] brigade " in DEPARTMENT OF DEFENSE. - Conduct of the Persan Gulf War. - Washington DC, 1992, p. 70. Retour
  31. " La Turquie renforce ses capacités de défense " in Le Monde, 14 janvier 1991, p. 3 Retour
  32. MALAFOSSE (A.), NUGEYRE (M.), GROSCLAUDE (B.) et al. - " Soutien sanitaire de l'opération Daguet ". - Méd Arm, numéro spécial : " Le service de santé dans la guerre du golfe ", 1992, p.12. Retour
  33. POYOT (G.), VLAMINCK (J.), PIERRE (A.F.) et al. - " Opérations extérieures depuis 1990: synthèse de la participation du service de santé ". - Méd Arm, 23(4), 1995, p. 249-254. Retour
  34. MALAFOSSE (A.), NUGEYRE (M.), GROSCLAUDE (B.) et al. - "Soutien sanitaire de l'opération Daguet". - Méd Arm, numéro spécial : "Le service de santé dans la guerre du golfe", 1992, p.13. Retour
  35. " Le service de santé dans la guerre du golfe ". - Méd Arm, numéro spécial, 1992, p.11. Retour
  36. GRAUWIN (médecin-commandant). - J'étais médecin à Diên Biên Phu. - France-Empire, 1954. Retour
  37. ACCOCE (Pierre). - Médecins à Diên Biên Phu. - Presses de la Cité, 1992, p. 46. Retour
  38. KEEGAN (John). - Anatomie de la bataille. - Robert Laffont, 1993, p. 99, 228, 284 & 285. Retour
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  40. BETHOUART (général). - Des hécatombes glorieuses aux désastres. - Presses de la Cité, 1972, p. 84. Retour
  41. Serge HYB, Témoignage sur Dunkerque Cité in SOUBIRAN (André). - J'étais médecin avec les chars.… - Didier, 1943, p. XVI. Retour
  42. PONS (Médecin en chef F.). - " Action du service de santé des armées au Rwanda au cours de l'opération Turquoise, activités de la 14° antenne chirurgicale parachutiste ". - Med Réserve, 91(3), 30 juin 1995, p. 10-13. Retour
  43. " Battlefield euthanasia will be the ethical question to be answered and formulated in the airland battle doctrine " in N'GUYEN (Duong). - "Mass casualties on the modern battlefield: problems and proposed solutions". - Mil. Med., 1990, p. 184-187. Retour
  44. LAS CASES (comte de). - Le mémorial de Sainte-Hélène / Tome I. - 1964, p. 180. Retour
  45. " Nous n'avons pas les moyens de les soigner et de les sauver, et ils sont achevés sur place " in JACQUOT, cité par PORCH (Douglas). - La légion étrangère 1831-1962. - Fayard, 1994, p.314. Retour
  46. SOUBIRAN (André). - J'étais médecin avec les chars.… - Didier, 1943, p. 153. Retour
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  95. " For two and and a half years the Biafran cause dominated the press, radio and above all, television. Ridiculous figures for supposed deaths from starvation were solemnly quoted. Fictitious atrocities were believed. [...] And to attempt to ascertain facts about the massacres is not to palliate them. One unjustified murder is bad enough ; more add to the horror but not to the guilt " in HUNT (Sir David). -The nigerian civil war, 1967-1970 ", p. 431-444 in : Les conflits de haute et de basse intensité depuis la deuxième guerre mondiale : Tome I. - Montréal: XIV° colloque international d'histoire militaire, 1988. Retour
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  100. " La grande fièvre des télévisions françaises ". - Le Monde, 14 janvier 1991, p. 20. Retour
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  103. COLIN (général J.). - Les transformations de la guerre. - Flammarion, 1911, p. 73. Retour
  104. CORBETT (Julian S. ). - Principes de stratégie maritime. - 1993, p. 218. Retour
  105. KHALED BEN SULTAN. - Guerrier du désert : une vision personnelle de la guerre du golfe par le chef du commandement unifié.- Hachette, 1995, p. 474. Retour
  106. " They were just in the wrong place at the wrong time " in PAGONIS (Lt. General William G.). - Moving Mountains. Lessons in Leadership and Logistics from the Gulf War. - Boston: Harvard Business School Press, 1992, p. 148. Retour





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