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"Neutre", film d'action suisse se déroulant dans un cadre militaire, rappelle à quel point l'image de l'armée reste entachée de préjugés négatifs extravagants

18 mars 2001


L'affiche du film Neutre, de Xavier Ruiz

Sorti sur les grands écrans en février dernier, le film "Neutre" du réalisateur Xavier Ruiz s'est immédiatement attiré une certaine publicité par son évocation de la chose militaire. Mettant en scène une patrouille de notre armée dont l'exercice tourne au drame, et entraîne la confrontation des personnages avec leurs faiblesses propres et mutuelles, "Neutre" constitue un film d'aventure prenant, ponctué par une conclusion qui suscite la réflexion et permet de ramener le cadre militaire à sa seule fonction de décor.

Malheureusement, le développement caricatural de l'intrigue, le manichéisme des personnages et le nombre effarant d'incohérences et d'inexactitudes font perdre à "Neutre" l'essentiel de son message, tout en prêtant le flanc à l'incompréhension, voire à la récupération politique. Ce qui rappelle à quel point notre armée fait encore l'objet de préjugés négatifs et déconnectés de la réalité.

 

Le talent du réalisateur

Rappelons brièvement le synopsis du film de Xavier Ruiz. A la fin d'un cours de répétition se déroulant de nos jours dans les Montagnes neuchâteloises, une patrouille commandée par un officier effectue avec peine un exercice délicat et se perd en France ; tous désireux de rentrer discrètement pour éviter des sanctions, les soldats choisissent une voie périlleuse et l'un d'eux se tue lors d'un franchissement, avant que les autres n'échappent de justesse à un feu lance-mines. Mis face à la contestation de ses hommes et à ses propres erreurs, le chef de section se suicide.

Ce scénario, plutôt taillé à coup de baïonnettes, permet à Xavier Ruiz de montrer son talent de réalisateur par le biais d'images fortes, voire vertigineuses, et d'une bonne direction d'acteurs. Le tout est d'ailleurs servi par une bande son – elle aussi suisse, des Young Gods à Sens Unik – absolument remarquable. On ne peut que souhaiter au réalisateur genevois de persévérer. Sans nécessairement reprendre l'armée pour cadre.

 

Image extraite du site officiel du film Neutre

Les multiples incohérences militaires

En effet, même si Xavier Ruiz se défend de toute intention politique et reconnaît ne pas avoir recherché l'exactitude technique, "Neutre" est littéralement truffé d'erreurs, d'incohérences et d'absurdités qui nuisent gravement à la crédibilité minimale sur laquelle tout film d'action doit s'appuyer.

Le cadre de l'intrigue n'a tout d'abord aucun sens. Un petit groupe de soldats effectue un exercice qui n'est pas dirigé, s'égare la veille de la fin du cours sans réaction de l'unité, redoute sans raison des sanctions fumeuses et marchent, marchent et remarchent des heures durant. On peine à comprendre le contexte de leur mission et le déroulement de leur service. Quelle corps de troupe d'infanterie, surchargé d'introductions en tout genre, peut se permettre de perdre des jours entiers durant un cours bisannuel ? Prétendre inscrire l'action du film de nos jours montre au moins la méconnaissance, chez les scénaristes, de l'armée actuelle.

Les actions en elles-mêmes sont par ailleurs largement dépourvues de crédibilité. La patrouille effectue un exercice avec munition de marquage sans but et sans critique. Elle se lance dans des franchissements sans assurage, navigue en bateau sans gilet de sauvetage, et de manière générale semble tout ignorer des prescriptions de sécurité. Elle subit un feu lance-mines inopiné, sans avoir aperçu une sentinelle de tir ou une barrière, et sans que la zone des buts soit observée par la formation procédant aux tirs. Le chef de section mis en scène, pour sa part, ne contrôle jamais son effectif ou son matériel, n'effectue jamais de retrait des cartouches, et entremêle ses silences autistiques de déclarations lapidaires et bornées. Autant dire que le film nous plonge dans la caricature.

L'image matérielle de l'armée, enfin, est particulièrement déroutante. Cela ne se limite pas au port des anciennes tenues et du F ass 57 avec le harnais de base 90 ; ce sont de multiples détails étranges, allant d'un arbitre partiellement en tenue de sortie à des appareils techniques privés, d'un tribunal militaire dans une cave à des expressions aussi incongrues que " balles à blanc " ou " examens de capitaine ". Par ailleurs, l'absence de tout téléphone portable dans la patrouille est pour le moins surprenante, puisque pour des raisons précisément de sécurité ces appareils sont souvent indispensables.

 

Le manichéisme des personnages

Toujours sur le plan militaire, la composition même de la patrouille est délicate à comprendre : un lieutenant, un appointé et cinq soldats – et donc aucun sous-officier. La typologie des personnages relève en outre d'un manichéisme frappant : un chef de section aveuglé par l'ambition et au comportement adolescent, une sorte de remplaçant empathique mais effacé, et cinq militaires estampillés selon de véritables clichés – le boute-en-train, le benjamin, le rêveur, le j'm'en foutiste et le rebelle. Même si la qualité des acteurs autorise ces personnages basiques à évoluer avec une apparence de naturel dans une aventure frisant l'incohérence, leur manque de profondeur permet à la forme de prendre une place dominante.

Or c'est la forme qui porte l'ambiguïté dont souffre ce film : en mettant en scène un lieutenant incompétent et égoïste, dont l'autorité est contestée en des termes injurieux pour l'école d'officiers, l'armée et le même drapeau national, Xavier Ruiz permet d'interpréter son film comme étant – au moins accessoirement – une critique de la chose militaire. Le fait que le chef de section se suicide dans une scène particulièrement symbolique (l'officier est nu avec son arme de service, ses habits soigneusement pliés), suicide que l'un des soldats qualifie d'" accident " durant sa déposition ultérieure, ne suffit pas à imposer l'idée centrale du film, à savoir la responsabilité et la culpabilité de chacun des militaires, c'est-à-dire leur absence de neutralité.

 

Les préjugés négatifs sur l'armée

En guise de conclusion, soulignons que "Neutre" est un bon film d'aventures, mais tellement embarrassé de préjugés et d'erreurs que sa vision se révèle parfois pénible pour le connaisseur de la chose militaire. Loin des récupérations dont il fait l'objet, regrettons toutefois qu'il n'ait pas bénéficié du soutien du Département de la défense sur le plan matériel, et que les scénaristes n'aient pas approché un cadre de l'armée pour donner davantage de réalisme aux divers éléments de leur intrigue.

Sur un plan plus général, ce film a au moins le mérite de prouver que, sept ans après le documentaire subjectif " L'homme des casernes " de Jacqueline Veuve, la vision collective de notre armée reste entachée de préjugés négatifs souvent extravagants. Ce qui rend plus déroutante que jamais la décision de l'armée, annoncée par le PDA, de ne pas intervenir dans le contenu de la communication officielle dont elle fait l'objet. Espérons que tous les officiers supérieurs ont eu ou auront l'occasion de voir "Neutre" !


Cap Ludovic Monnerat   






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