L'essentiel de l'actualité militaire







L'essentiel des liens militaires


Documents militaires


Toutes les dates des ER


Cliquez ici pour soutenir CheckPoint!


Toutes les unités actuellement en action


Le Swiss Army Theme pour Windows 95


Webring Armée suisse

Dans les guerres de 4e génération, bâtons et cailloux peuvent briser une armée

23 juin 2001


Lanceur de pierres palestinien face à un char israélienU

ne foule de jeunes Palestiens lance cailloux et cocktails Molotov sur des troupes israéliennes munies des plus récents équipements high-tech. Mais alors que les blessés palestiniens se multiplient sous les caméras TV, les Israéliens ne font qu'à peine vaincre leurs adversaires.

Bienvenue dans ce que des experts en matière de défense nomment la guerre de "quatrième génération", un problème de plus en plus épineux pour les commandants imprégnés de la stratégie et de la doctrine militaires du XXe siècle.

Voici dix ans, quelques analystes clairvoyants ont pressenti cette tendance. Dans un article paru dans la Marine Gazette d'octobre 1989, deux officiers de l'US Army, deux officiers du Marine Corps et un théoricien militaire civil, William S. Lind, ont analysé l'évolution de la guerre moderne.

«... Les informations télévisées peuvent devenir une arme opérative
plus puissante que des divisions blindées. »
«... Les informations télévisées peuvent devenir une arme opérative
plus puissante que des divisions blindées. »

La première phase, écrivirent-ils, était basée sur une main d'oeuvre en masse, disposée en lignes et colonnes, et armée de mousquets à canons lisses. La seconde génération comptait sur la concentration de la puissance de feu et exploitait le développement du fusil, et plus tard de la mitrailleuse. Les troupes, organisées en petits groupes, avançaient par ruées. La troisième génération nécessita un changement de tactique plutôt que de technologie, et fut illustrée par le blitzkrieg allemand. L'idée consistait à contourner rapidement les forces de l'ennemi, plutôt que les attaquer frontalement.

Dans la quatrième génération, prédisaient-ils, le combat sera encore plus dispersé. Le champ de bataille engloberait encore une fois des sociétés entières, comme il le fit dans des cultures anciennes et primitives. Et les objectifs militaires ne nécessiteraient plus d'annihiler des lignes ennemies bien ordonnées, mais plutôt de réduire le soutien populaire pour la guerre dans la société ennemie.

"Les informations télévisées peuvent devenir une arme opérative plus puissante que des divisions blindées", prédisaient les auteurs de l'article. La distinction entre guerre et paix se brouillerait au point de s'évanouir. "Ce sera non-linéaire, peut-être jusqu'au point de ne plus avoir de champ de bataille ou de front définis", avançaient-ils. "La distinction entre 'civil' et 'militaire' peut disparaître."


Des géants impuissants?

Voilà une vision passionnante de la guerre future – et il y a des signes qu'elle existe déjà. Dans les versions modernes du combat de David contre Goliath, des Etats-nations se battent contre des Etats sans nation – groupes ethniques, religieux ou claniques – en des endroits tels que le Proche-Orient, l'Afrique et l'Europe. Et les Goliaths perdent souvent. Cela ne se passe pas seulement dans les Territoires occupés. Un clan somalien a bouté les USA hors de Mogadiscio. Le Hezbollah a expulsé l'armée israélienne du Sud-Liban. Les Tchétchènes ont humilié l'armée russe.

Tout l'armement high-tech que le Pentagone ou les Forces israéliennes peuvent rassembler ne leur donnera pas l'avantage nécessaire à la victoire. Car c'est une guerre primitive dans des zones populeuses qui est actuellement menée, où les combattants sont cachés parmi les civils – et sont eux-mêmes souvent civils. C'est une stratégie qui sape l'armement de pointe conçu pour des espaces ouverts et des cibles vastes et claires. "Nombreuses sont nos capacités qui ne sont simplement pas adaptées," déclare Michael G. Vickers, directeur des études stratégiques au Center For Strategic & Budgetary Assessments, un think tank de Washington DC.

Peu à peu, les militaires commencent à s'attaquer au problème. "Je ne pense pas que quiconque ait une réponse," relève l'analyste du Pentagone Chuck Spinney. Les Marines sont les plus avancés. Ils ont mené des exercices dans le terrain impliquant des combats en milieu urbain. Au début, ils ont dénombré 38% de "pertes", avec certains décès simulés s'élevant jusqu'à 78%, selon Gary Anderson, un colonel à la retraite et ancien chef d'état-major du Marines Corps Warfighting Lab.

Char israélien

Mais les Marines sont parvenus à réduire ces pertes simulées jusqu'aux alentours de 12% avec quelques changements tactiques. Premièrement, ils ont appris à ne pas se grouper pour le combat à courte distance. Les chefs de groupes utilisent maintenant de petites radios pour commander les fantassins, qui ne doivent plus être à portée de voix. Et au lieu d'arroser de plomb les foules, les Marines ont en conclu qu'ils utiliseraient des contre-snipers pour abattre la poignée de combattants portant effectivement des armes à feu dans les foules hostiles. Sans ceux-ci, femmes et enfants ont tendance à être moins hardis.

Le bon entraînement est aussi critique. Les forces spéciales ont plus de chances de mieux gérer la pression que des troupes régulières.

«... La guerre a trois dimensions: physique, mentale et morale. Et c'est l'élément moral qui peut poser le plus grand problème pour les Etats-nations. »
«... La guerre a trois dimensions: physique, mentale et morale. Et c'est l'élément moral qui peut poser le plus grand problème pour les Etats-nations. »

Parmi les autres options figure l'usage accru d'armes non létales, dont la plupart sont strictement classifiées. Ces armes peuvent inclure à peu près tout, des champs de force créant des "barrières" que les foules ne franchiront pas jusqu'à la mousse adhésive qui durcit et immobilise les manifestants, en passant par des nappes glissantes faisant perdre l'équilibre.

Mais la guerre a trois dimensions: physique, mentale et morale. Et c'est l'élément moral qui peut poser le plus grand problème pour les Etats-nations. "Il n'y a pas de solution au niveau technique," déclare Lind. "Le problème se situe à un niveau bien supérieur de la guerre." Il avance qu'un Etat séculier "ne peut pas se défendre lui-même parce que cela ne vaut pas la peine de se battre." Si Israël veut gagner, dit-il, il doit agir ainsi qu'une tribu, comme le font les Palestiniens lorsqu'ils acclament en héros leurs morts ou exultent lorsqu'un ennemi est tué. Mais il y a des risques. Pour Israël, cela pourrait non seulement susciter l'hostilité du monde mais également déclencher une intervention internationale, remarque Michael Eisenstadt, chercheur au Washington Institute for Near East Policy.


Anatomie de la bataille

De la même manière que les USA n'ont pas pu conquérir les coeurs et les esprits des Vietnamiens, il est difficile pour tout Goliath de gagner la sympathie. Mais le champ de bataille psychologique/moral peut clairement déterminer l'issue de tels conflits. Spinney croit que l'Armée de Libération du Kosovo a poussé des milliers de Kosovars à quitter leur domicile afin d'amplifier la purification ethnique et de démoniser l'hercule serbe Slobodan Milosevic. Si tel est le cas, c'est le genre de tactiques qui fonctionnent dans la théorie de la guerre de "quatrième génération."

Ce problème ne nécessite pas de nombreux ingénieurs, ni des milliards de dollars d'armements "Star Wars". Mais le Pentagone doit investir autant d'énergie à comprendre comment combattre dans ce type de théâtre qu'il en investit dans ses armes invisibles. Sinon, nous pourrions voir bien plus de Somalies que de victoires dans notre avenir.




Texte original: Stan Crock, "Sticks and Stones Can Break an Army", Business Week, 27.10.00    
Traduction: Cap Ludovic Monnerat
    







Haut de page

Première page





© 2001 CheckPoint
Reproduction d'extraits avec mention de la provenance et de l'auteur