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Une année après les attentats du 11 septembre, la nouvelle anatomie de la guerre reste un tabou

11 septembre 2002

Cérémonie au WTCA

lors que les attentats les plus destructeurs de l'histoire frappaient les Etats-Unis voici une année, quel bilan peut aujourd'hui être tiré pour l'Occident ? De toute évidence, la situation internationale a évolué de manière à la fois marquante et contrastée. Et même si le 11 septembre est le pivot de ce siècle, la résistance à l'évolution demeure considérable.

Au sein des lents mouvements qui fondent les affrontements stratégiques, une année ne représente qu'une période restreinte et peu signifiante. Pourtant, la nature et les effets des attaques terroristes contre le World Trade Center et le Pentagone témoignent d'un changement de paradigme qui affectera profondément le siècle à venir. La nouvelle anatomie de la guerre est désormais une réalité commune à l'ensemble des populations. Est-ce à dire que les leçons ont été tirées de ses conséquences politiques, sécuritaires, économiques et même culturelles ? Il est plus facile de fermer les yeux que de remettre en question son système de pensée, et le bilan des 12 derniers mois ne fournit qu'une image contrastée.

« Sans s'en rendre compte, les élites continentales reproduisent un comportement et des raisonnements à l'identique de leurs prédécesseurs dans les années 30. »
« Sans s'en rendre compte, les élites continentales reproduisent un comportement et des raisonnements à l'identique de leurs prédécesseurs dans les années 30. »

Au niveau politique, la situation actuelle n’appelle ainsi qu’une appréciation mitigée. Certes, une coalition dite antiterroriste a été constituée, et elle a provoqué de véritables rapprochements dont la Russie et plusieurs nations d’Extrême-Orient ont été les principales bénéficiaires. A lui seul, le partenariat entre les anciens ennemis de la guerre froide a d’ailleurs eu des effets positifs dans la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive, comme l’ont montré les accords de réduction et de contrôle des têtes nucléaires, ou encore la saisie de matériaux fissiles effectuée récemment en Yougoslavie. En outre, les Etats-Unis ont par la force des choses adopté une vision planétaire des problèmes stratégiques et prouvé leur volonté de les régler, après avoir admis l’inéluctabilité de leur rôle global.

Mais cette fameuse coalition est surtout fondée par l’activisme américain, et non par la volonté de leurs membres. L’Europe poursuit sa spirale vers l’impuissance et reste presque autant antagoniste à l’usage de la force, quelles que soient les circonstances, alors que le découplage transatlantique se poursuit à une vitesse accélérée. Condamnés à polariser les haines et les envies par leur stature, les Etats-Unis s’en sont de plus tenus à un unilatéralisme compulsif, davantage sur la forme que sur le fond, qui affaiblit leurs relations diplomatiques et nuit à leur image. Au lieu d’orienter à son profit les règles et les usages de la communauté internationale, Washington préfère agir de but en blanc et s’attirer les foudres du monde entier, comme au sujet de la question irakienne.

Le drame de l’Occident, c’est que les Américains ont un jugement sensé : le fondamentalisme islamique représente un adversaire idéologique et transnational potentiellement aussi dangereux que le communisme, et le fait que ses promoteurs soient en situation d’échec dans le monde musulman, après une expansion prometteuse, entraîne immanquablement une radicalisation de leurs méthodes. La Russie, la Chine ou l’Inde ont reconnu le danger et sa dimension mondiale, mais pas l’Europe, qui continue de penser que la diplomatie et l’apaisement sont préférables à un affrontement pourtant en cours. Sans s’en rendre compte, les élites continentales reproduisent un comportement et des raisonnements à l’identique de leurs prédécesseurs dans les années 30. Le réveil sera douloureux.

Soldats US à Kandahar

Au niveau sécuritaire, la situation présente heureusement un aspect plus avenant. Depuis le 11 septembre, les mesures de surveillance et de contrôle ont été renforcées, la collaboration entre les polices, les justices et les services de renseignements a atteint une intensité inédite, et plusieurs attentats d’envergure ont pu être empêchés de part et d’autre de l’Atlantique. En fait, il ne se passe presque pas une semaine sans qu’une arrestation ne soit annoncée. De plus, la campagne militaire en Afghanistan a permis d’anéantir la base arrière du réseau Al-Qaida et de récolter une quantité phénoménale de renseignements, tout en développant le savoir-faire doctrinal et technologique des armées. A elle seule, la destruction des camps a porté un coup dont les effets s’étendront sur plusieurs années.

« La campagne militaire en Afghanistan a permis d'anéantir la base arrière du réseau Al-Qaida et de récolter une quantité phénoménale de renseignements. »
« La campagne militaire en Afghanistan a permis d'anéantir la base arrière du réseau Al-Qaida et de récolter une quantité phénoménale de renseignements. »

Pourtant, l’incapacité à capturer les principaux responsables d’Al-Qaida n’est qu’un revers mineur à l’aune de l’immobilisme européen en termes pécuniaires. Alors que les Etats-Unis ont brutalement augmenté l’ensemble des budgets sécuritaires et restructuré leurs services, les polices et les armées européennes continuent leur marche vers la paupérisation et l’épuisement. Malgré l’étoffement d’Europol et la multiplication des démarches multilatérales, l’UE reste à l’opposé d’un véritable espace de sécurité commun. En dépit de ses efforts pour constituer une force de réaction rapide, elle peine en outre à fournir quelques milliers de soldats supplémentaires pour une mission aussi importante que maintenir la paix en Afghanistan. Ce qui en dit long sur le véritable niveau opérationnel de ses troupes.

Sur le plan militaire, le plus grave reste toutefois le maintien de la priorité pour le combat symétrique de haute intensité, alors que les conflits armés actuels, à la fois asymétriques et discontinus, exigent des capacités bien différentes. Le constat n’est pas général : en Europe, alors que la Grande-Bretagne décide de mettre au rebut les chars d’une brigade blindée pour la transformer en une formation légère et projetable, l’Allemagne s’empresse d’acquérir de nouveaux véhicules de combat d’infanterie et remet en question les avions de transport Airbus A-400M ; aux Etats-Unis, il a fallu que le Pentagone impose à l’Army la suppression de l’obusier blindé Crusader, une merveille balistique dont l’utilité restreinte ne justifiait pas le coût exorbitant. La compréhension de la guerre moderne reste un défi intellectuel.

Au niveau économique, les pires craintes émises au lendemain des attentats ont été démenties : le système boursier ne s’est pas effondré, l’activité industrielle n’a pas dégringolé et les déboires majeurs subis notamment sur le continent américain tiennent d’abord à l’incurie des comptes publics et privés. A la fragilité de certaines branches et au désenchantement de la nouvelle économie ont répondu la solidité des structures traditionnelles et la confiance consumériste des ménages. Par ailleurs, la communication des informations bancaires a permis de cerner plus précisément les sources de financement sur lesquels s’appuient les réseaux terroristes, et en particulier leurs camouflages usuels. Les sommes bloquées sur les comptes identifiés ne sont pas négligeables.

Soldats canadiens en Afghanistan

Faute d’outils et d’une doctrine adaptés, la guerre économique ne fait cependant que commencer. Le transfert récemment rendu public de grandes quantités d’or entre le Pakistan et le Soudan montre qu’Al-Qaida conserve l’essentiel de ses ressources financières. Et le terrorisme de masse est d’une rentabilité effroyable, face à laquelle les traders les plus avides font figure d’enfants de chœur. La préparation et la réalisation des attentats du 11 septembre ont en effet nécessité un investissement généralement estimé à 200'000 dollars, alors que les dégâts engendrés ont coûté entre 85 et 93 milliards de dollars à la ville de New York, avec des pertes nationales évaluées à 200 milliards de dollars. Soit 1 million de fois le coût initial !

« Le coût des opérations militaires – 4,4 milliards de dollars pendant les 4 premiers mois en Afghanistan – reste minime face aux pertes qu'elles peuvent permettre d'éviter. »
« Le coût des opérations militaires – 4,4 milliards de dollars pendant les 4 premiers mois en Afghanistan – reste minime face aux pertes qu'elles peuvent permettre d'éviter. »

Mais si le business de la destruction se révèle pareillement florissant, c’est avant tout parce qu’il fait l’objet d’une ignorance dédaigneuse. De manière générale, les milieux économiques en Occident tendent à assimiler les dépenses sécuritaires à des investissements non rentables, et les entreprises ne sont pas adaptées structurellement à l’incapacitation résultant d’actions physiques menées à leur encontre. Pire, cette obsession du court terme est également répandue dans les milieux politiques, où les budgets des polices et des armées sont souvent accusés de nuire aux besoins sociaux. En fait, le coût des opérations militaires – 4,4 milliards de dollars pour les USA pendant les 4 premiers mois en Afghanistan – reste minime face aux pertes qu’elles peuvent permettre d’éviter. Une réalité que seuls des idéologues peinent à admettre.

Au niveau culturel, enfin, il est évident que le conformisme ambiant a été renforcé par les attentats. Bien entendu, ceux-ci sont devenus un symbole planétaire, une preuve éclatante de l’instinct destructeur qui rôde à l’ombre de l’humanité. Les populations de par le monde ont pour la plupart réagi de manière identique, frappées d’horreur, incrédules devant l’ampleur du crime et spontanément compatissantes envers les victimes. Au sein de la société américaine, la réaction profonde à ces événements n’a d’ailleurs pas encore été mesurée, et c’est bien un ensemble de valeurs axées sur la responsabilité individuelle, la solidarité nationale et l’engagement désintéressé qui a en bénéficié. Pour les années à venir, il sera impossible de l’Amérique sans prendre en compte ces attentats.

Pourtant, les élites intellectuelles de part et d’autre de l’Atlantique n’ont pas évolué d’un iota après le 11 septembre. Et si aucune démarche visant à cerner la source exacte de la violence fondamentaliste n’a été menée aux Etats-Unis, cet immobilisme présomptueux a été encore plus frappant en Europe, où les commentateurs sont incapables de voir au-delà de la responsabilité américaine. L’auto-censure imposée par l’idéologie ambiante du progressivisme transnational en a témoigné : des manifestations de joie dans les rues arabes à la préméditation apocalyptique des kamikazes musulmans, en passant par les appels aux meurtres de masse lancés chaque semaine par les mollahs sur les ondes, la haine irrépressible n’est ni identifiée, ni condamnée. On nie une guerre ouverte pour ne pas devoir la mener.

Le simplisme des certitudes est d’ailleurs une constante. Ce qui indigne vraiment la plupart des dignitaires européens lorsque l’administration Bush parle sans nuance d’un " axe du mal ", c’est tout bonnement l’inversion de leur croyance selon laquelle les Etats-Unis sont eux-mêmes la source du mal. En soi, ce parti pris ne serait pas blâmable s’il ne provoquait un déséquilibre total dans la perception éthique du monde : on critique le camp de Guantanamo alors que ses prisonniers avaient pour coutume de massacrer leurs adversaires vaincus, on reproche les victimes des dommages collatéraux alors que celles-ci sont ouvertement utilisées comme boucliers humains, et par-dessus tout on condamne le recours à la force alors que l’on a laissé les pires massacres être commis à notre porte. La dérive morale est d'une hypocrise marquante.

Au total, le bilan au premier anniversaire du 11 septembre est donc bien contrasté. Et face à ces maux que sont l’angélisme politique, l’immobilisme sécuritaire, l’aveuglement économique et la culture de l’inaction, il faut reconnaître que l’Europe n’a pas mesuré et compris la rupture symbolisée par ces attentats. Une anecdote montre d’ailleurs qu’il en va de même en Suisse : en octobre 2001, avant que le Conseil des Etats ne discute le programme d’armement 2001, le président de la Commission de sécurité dudit Conseil avait demandé aux autorités fédérales s’il existait une urgence justifiant la remise en question des investissements ; et comme il lui fut répondu par la négative, la chambre haute put la conscience tranquille financer l’achat de dépanneurs chenillés et d’obus intelligents permettant d’affronter des divisions blindées qui n’existent plus que sur les écrans de nos simulateurs.

Autant dire que le combat pour l’évolution des idées ne fait que commencer.




Cap Ludovic Monnerat    







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