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Entrailles contre baïonettes, une vision du conflit israélo-palestinien

20 juillet 2003

Libération de prisonniers palestiniensL

a trêve unilatérale des organisations terroristes palestiniennes est souvent interprétée comme une victoire dans les milieux militaires israéliens. Mais est-ce vraiment le cas? L'historien militaire Martin Van Creveld, spécialiste de la transformation des conflits armés, pense le contraire.

Est-ce que les Forces de défense israéliennes ont vaincu le soulèvement palestinien, comme le clame Moshe Ya'alon, Chef de l'Etat-major général ?

Presque chaque Israélien juif serait heureux de répondre "Amen" à cette question. A l'exception de quelques fous, presque chacun dans le pays espère que la violence a cessé et qu'il est possible d'aller faire ses courses sans redouter de périr dans une explosion. Et si la "victoire" signifie que les Palestiniens ont été réduits à l'impuissance et qu'Israël peut négocier en position de force, alors tant mieux.


«... L'occupation aura opposé des baïonettes israéliennes aux entrailles palestiniennes ; dans cette situation, chaque défaite est une défaite et chaque "victoire" est aussi une défaite. »


Malheureusement, les choses ne sont pas aussi simples. Comme l'a écrit une fois Karl von Clausewitz, le général prussien souvent considéré comme le plus grand théoricien militaire de tous les temps, l'objectif de toute guerre doit être d'imposer sa volonté à l'ennemi.



Une différence de volonté

Il suffit d'observer n'importe quelle funéraille dans les deux camps pour voir qui a la plus forte volonté et qui est le plus déterminé à atteindre ses buts. Chaque victime palestinienne est escortée dans son dernier voyage par des milliers de gens qui agitent des drapeaux, tirent des rafales en l'air et hurlent à la vengeance ; la plupart des victimes juives sont portées à leur tombe par des proches en larmes, parfois en présence de quelques personnalités publiques à la mine convenue.

Alors que les Palestiniens ont montré de manière répétée leur propension à se suicider pour leur cause, les médias blâment les autorités et demandent une explication chaque fois qu'un Israélien meurt. C'est la différence essentielle entre les deux parties. Face à l'esprit combatif palestinien, toute accumulation d'hélicoptères, de missiles, de chars, de prisons ou de chambres de torture est vouée à l'échec.

Il fut une époque où Israël comprenait l'importance de l'esprit combatif. Le sionisme a débuté lorsque quelques colons venus d'Europe orientale se sont établis dans un océan arabe. Presque entièrement dépourvus de moyens, car parfois deux personnes devaient partager une même paire de bottes, leurs armes principales étaient le cran et la détermination de réussir à tout prix. Ils se sont battus contre quiconque tentait de s'opposer à eux. Premièrement, les Britanniques et leur armée de 100'000 homme ont été écartés. Ensuite, ce fut au tour des Palestiniens d'être battus de manière rapide et décisive.

Lorsque les pays arabes voisins ont essayé de s'interposer, ils ont également goûté à la puissance juive qui était issue du désespoir ou, comme on le disait, du "pas de choix." Il est vrai que les apparences sont parfois trompeuses, et que les sionistes puis Israël avaient davantage d'atouts qu'on pouvait le penser à première vue. Malgré tout, durant la période de ses plus grands triomphes, c'était généralement Israël qui était petit et faible, et ses ennemis qui étaient grands, forts et armés jusqu'aux dents.

La perte de l'esprit combatif israélien n'est pas un accident. La balance militaire entre Israéliens et Palestiniens a longtemps été, et va probablement le rester, de 10'000 contre 1. Comme ils sont très forts, les Israéliens perdent chaque fois qu'ils subissent des pertes, et ils perdent également chaque fois qu'ils tuent leurs ennemis en montrant leur incapacité à maintenir l'ordre. Comme ils sont très faibles, les Palestiniens gagnent chaque fois qu'ils infligent des pertes, et ils gagnent aussi chaque fois qu'ils en subissent puisqu'ils démontrent cette incapacité israélienne.

Armés et financés par le plus puissant Etat de l'histoire, les Israéliens s'appuient principalement sur leur arsenal militaire à la fois surabondant et sophistiqué. Combattant presque à mains nues, les Palestiniens comptent sur un taux de naissances élevé et une détermination farouche pour devenir un peuple libre dans son propre pays – ou mourir. En se basant sur l'histoire d'Israël, devinez qui va gagner.

Considérez les innombrables lutte similaires, de la résistance yougoslave contre les Allemands entre 1941 et 1945 jusqu'au soulèvement du Timor Oriental contre l'Indonésie. Dans chacun de ces conflits, les conquérants étaient 100 fois plus forts que les insurgents. La plupart d'entre eux étaient dépourvus de scrupules et ont commis des atrocités bien pires et plus nombreuses que celles des Forces de défense israéliennes.

Certains, comme les Français en Algérie et les Américains au Vietnam, ont détruit des villages entiers par des bombardements aériens. Certains, comme les Britanniques au Kenya, ont tué des milliers de rebelles pour chacun de leur soldat à avoir perdu la vie. Certains ont pris des otages et les ont exécutés sans pitié, d'autres ont dépeuplé des régions entières ou les ont arrosées avec des gaz défoliants. Certains ont commis un génocide ou quelque chose de proche, avec pour conséquence que plusieurs de leurs principaux responsables ont été jugés plus tard comme criminels de guerre.

Cependant, dans pratiquement tous les cas la victoire est allée aux insurgents ; lorsque les armes se sont tues, c'est eux qui ont eu le dernier mot. Les Israéliens qui pensent pouvoir asservir un peuple par la force devraient s'intéresser de près à ces faits.

Si les tentatives de pourparlers mènent à la création d'un Etat palestinien en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza, alors Israël se trouvera dans une position tolérable bien que les Palestiniens aient "gagné" le conflit. Mais si elles ne menaient pas à un tel résultat, il n'y a dès lors aucun doute que la "victoire" proclamée par le général Ya'alon va s'évanouir. Dans ce cas, les hostilités vont reprendre après un intervalle plus ou moins décent.

Le prochain round sera bien pire que celui dont nous espérons avoir vu la fin. Etant donné la balance des forces en présence, plusieurs Palestiniens vont perdre la vie pour chaque Israélien tué, et bien d'autres vont passer quelque temps à l'hôpital ou en prison. Mais le résultat final, à savoir l'évacuation par Israël de l'essentiel des territoires ainsi que l'établissement d'un Etat palestinien indépendant, ne peut qu'à peine être mis en doute.

En d'autres termes, l'occupation aura opposé des baïonettes israéliennes aux entrailles palestiniennes. Dans une telle situation, chaque défaite est une défaite et chaque "victoire" est aussi une défaite.




Texte original: Martin Van Creveld, "Wombs and bayonets", Jerusalem Post, 10.7.03    
Traduction et réécriture : Maj EMG Ludovic Monnerat
    






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