La technologie tente de remédier aux incidents fratricides sur le champ de bataille

10 octobre 2004

Blue Force Tracker en IrakP

lusieurs incidents survenus récemment en Irak et en Afghanistan rappellent la difficulté à empêcher en toutes circonstances l’ouverture du feu sur ses propres troupes. Mais les développements technologiques, avec le suivi des positions et l’identification au combat, laissent espérer une réduction des tirs fratricides.

Les élégantes vestes à franges rouges, les pantalons larges et rouges, les ceintures, les fez rouges – chacun pouvait voir à 800 mètres l’uniforme des zouaves équipant le 5e régiment d’infanterie volontaire de New York et savoir immédiatement qu’un soldat de l’Union approchait. Plus flamboyants que les uniformes bleus ou gris portés par les deux parties de la Guerre de Sécession américaine, les Zouaves et leur splendeur vestimentaire s’inscrivaient certainement dans l’inclination des combattants de tous temps à s’habiller de manière tranchante. Pensez simplement aux Vikings et à leurs casques à cornes.


«... L'information de position est mise à jour toutes les 5 minutes pour les véhicules et chaque minute pour les hélicoptères, alors que les véhicules en mouvement font l'objet d'une mise à jour tous les 800 mètres. »


Mis à part leur aspect, les uniformes ont longtemps permis aux commandants et aux autres combattants de pouvoir distinguer les membres de leur camp. Mais ils ne suffisaient pas à empêcher des attaques accidentelles contre ses propres forces, ce que l’on nomme souvent tir fratricide ou « feu ami ». D’une part, l’art du camouflage fait appel à un besoin aussi fort, sinon plus, de survie. Les soldats gagnent clairement à se fondre dans leur environnement, et une telle dissimulation complique le processus consistant à distinguer l’ami de l’ennemi. Un autre moyen d’identification, l’usage de mots de passe, peut avoir fonctionné voici 500 ans pour les défenseurs des forts mais n’est guère utile aujourd’hui, étant donné la vitesse, la portée et la précision des armes modernes. Les obus d’artillerie, les missiles et d’autres projectiles peuvent être lancés à plusieurs kilomètres d’une cible – bien trop loin pour être en mesure d’entendre quelqu’un crier, « ne tire pas, c’est moi ! »



L’absence d’identification terrestre

Les équipements d’identification ami/ennemi (IFF), qui sont les équivalents électroniques des mots de passe, permettent à des avions d’identifier des appareils amis ou leur évitent d’être attaqués par des systèmes de défense antiaérienne, et ils existent depuis plusieurs décennies. Mais au sol, les puissances militaires majeures n’ont que récemment commencé les essais d’un système IFF semblable. Jusqu’ici, les liaisons radio ont permis aux forces terrestres de communiquer, bien entendu, mais les connexions peuvent être interrompues et les ordres vocaux peuvent être mal compris. De plus, recevoir des informations par la radio et les reporter sur une carte en papier peut engendrer des erreurs, notamment lorsque l’on fait de tels calculs au milieu des combats, si bien que les moyens d’identification visuels restent importants. En guise d’équivalent plus perfectionné des insignes que les avions portaient sur leurs carlingues par le passé, les forces armées américaines, britanniques, canadiennes et d’autres ont utilisé sur leurs véhicules des bandes réfléchissantes infrarouges, des panneaux thermiques et des émetteurs infrarouges visibles grâce aux appareils à imagerie thermique.

Cela n’a cependant pas suffi. Dans les conflits militaires les plus récents, en Irak et en Afghanistan, au moins 40 décès ont été attribués au feu ami, parmi lesquels la mort de 4 soldats canadiens sous la bombe larguée par un avion américain et un échange d’obus entre 2 chars britanniques Challenger. Les tirs fratricides sont peut-être inévitables dans les opérations militaires, et aussi vieux que la guerre elle-même, mais la recherche de meilleurs moyens pour les empêcher continue. Mis à part le souhait naturel d’éviter les pertes inutiles, celle-ci s’explique également par les importantes ramifications politiques des tirs fratricides, qui sapent le moral des soldats et érodent le soutien du public pour des conflits pas nécessairement populaires. L’impact du feu ami sur les capacités d’une formation militaire est aujourd’hui négligeable, mais ses effets psychologiques sur les forces armées comme sur les civils peuvent être dévastateurs, au niveau politique ou personnel.

Est-ce que les tirs fratricides sont un problème moindre ou plus grand que lors des guerres passées? Alors que les experts sont en désaccord sur la manière exacte de les calculer (comme pourcentage des pertes amies ou ennemies), plusieurs études estiment qu’entre 12% et 15% des pertes au combat durant tout le XXe siècle ont résulté d’un feu ami. Comparer des époques différentes est difficile, puisque le calcul de statistiques à ce sujet n’était guère répandu jusqu’à la Seconde guerre mondiale, mais les tirs fratricides ont semblé légèrement plus fréquents qu’à l’accoutumée durant la Guerre du Golfe en 1991, avec un taux parmi les forces US s’élevant jusqu’à 24%.

Le fait que ce conflit ait ouvert une nouvelle ère de la guerre, avec l’introduction d’armes de précision et le mélange des forces interarmées et multinationales sur le même champ de bataille, peut également expliquer cette augmentation. En raison de la vitesse et de la précision des armes actuelles, les incidents de feu ami sont probablement davantage meurtriers. De plus, les fractions de secondes durant lesquelles les décisions doivent aujourd’hui être prises placent une pression énorme sur les êtres humains peuplant les champs de bataille.

Prenez deux incidents impliquant la Marine américaine. En 1988, l’USS Vincennes a accidentellement abattu un avion de ligne iranien de type Airbus A-300, après l’avoir confondu avec un chasseur F-14, entraînant la mort de 290 personnes. L’amiral William J. Crowe Jr, à l’époque Président de l’Etat-major interarmées, avait ensuite déclaré lors d’une conférence de presse que les navires engagés dans le Golfe persique avaient peu de temps et d’espace pour manœuvrer lorsqu’ils étaient menacés. L’année précédente, le commandant de l’USS Stark n’était pas parvenu à identifier un avion irakien [un Mirage F-1, note du traducteur] en approche comme une menace, et les 2 missiles Exocet tirés par l’avion sur le navire ont tué 37 marins.

En partie suite à ces incidents, le Département de la Défense a créé un programme de prise de décision tactique sous stress, qui étudie comment les humains interagissent avec la technologie. Etant donné la vitesse à laquelle un avion peut s’approcher d’un navire, la technologie capable de contribuer à identifier les menaces est d’une grande importance, sans pour autant éliminer la responsabilité humaine. Le docteur Dennis McBride, Président du Potomac Institute, un groupe de recherche à but non lucratif, remarque que les forces navales en particulier opèrent souvent à proximité du territoire ennemi avant le déclenchement officiel des hostilités, de sorte que l’attaque irréfléchie d’un objectif peut provoquer un incident international précipitant le conflit.



Le suivi permanent des positions

Alors que les senseurs deviennent de plus en plus importants pour l’identification des cibles, l’évaluation de leur emplacement et l’engagement des armes, l’être humain qui prend la décision finale de tirer ou non devient soit le maillon faible dans la chaîne du senseur au tireur, soit son sauveur, en fonction de la capacité des gens à prendre des décisions sous pression. La question est de savoir quelle contribution peut fournir la technologie. Un certain type de technologie, appelée suivi de la force bleue (Blue Force Tracking, BFT), affiche automatiquement la position des forces amies sur un écran, afin qu’un soldat traversant le champ de bataille dans un char puisse baisser les yeux et voir que ce qui se trouve devant lui est allié.

Aujourd’hui encore, suivre les emplacements des forces amies se fait souvent en les appelant à la radio, en recevant leurs coordonnées et en les reportant sur une carte. Les coordonnées peuvent être mal comprises, et les positions reportées de manière erronée. Dans les situations où les communications radio sont impossibles, les composantes d’une formation de combat planifient simplement les itinéraires qu’elles comptent emprunter et doivent espérer que tout se passe conformément au plan. Mais des développements imprévus peuvent jeter la confusion dans tout le mouvement. L’avènement de la guerre réseau-centrique et de la technologie GPS, toutefois, permet de transmettre automatiquement les positions à la fois sur les radios terrestres et par des connexions satellitaires plus fiables.

Ce suivi automatique des positions a été testé avec des résultats prometteurs durant l’opération Iraqi Freedom l’an passé. Comme l’a décrit Tim Rider, porte-parole de l’US Army Communications-Electronics Command (CECOM) à Fort Monmouth, l’exemple d’une section d’exploration traversant l’axe d’attaque d’un bataillon progressant de nuit à l’est de Karbala aurait pu donner lieu à un tir fratricide, si l’écran informatique dans le véhicule du commandant de bataillon n’avait pas signalé la présence de cette section sous la forme d’une icône bleue. Ce qui aurait pu autrement avoir été identifié comme ennemi, puisque le bataillon était entré en territoire hostile, a été désigné comme ami.

« Je pense que la plupart des tirs fratricides évités par le BFT durant l’opération ont été peu spectaculaires, dus au fait qu’un commandant a simplement regardé un écran, vu une unité amie s’approcher, et comme la surprise consistant à voir des véhicules s’approcher de nuit a été annulée, les soldats ont hésité à ouvrir le feu », explique Rider. En plus de suivre l’emplacement des forces amies, par la connaissance automatique des positions respectives, les unités équipées de cette technologie n’ont plus besoin de stopper quelque part et former une ligne afin de mener une attaque coordonnée ; elles peuvent simplement accélérer ou ralentir en fonction des positions affichées sur l’écran.

Le programme BFT ajoute la technologie de positionnement par satellite à un autre système, le Force Battle Command Brigade and Below (FBCB2), qui inclut les logiciels pour transmettre et coordonner les informations et les liaisons avec les positionneurs EPLARS et les radios SINCGARS. Comme les arbres, les bâtiments et d’autres obstacles peuvent interférer avec les signaux terrestres, la technologie GPS du programme BFT fournit des moyens supplémentaires de transmettre l’information. De plus, les données peuvent être transmises sur des distances bien supérieures grâce aux satellites.

Quelque 1500 systèmes BFT/FBCB2 ont été utilisés en Afghanistan et en Irak, dont la majorité en Irak, d’après Thomas Plavcan, directeur du programme FBCB2 au CECOM. Les Marines en avaient près de 200, et les Britanniques environ 50. Installer des systèmes américains sur des plates-formes britanniques a permis aux Etats-Unis de relier les véhicules de leurs alliés au BFT, mais l’idée consiste à être capable de travailler avec d’autres radios. Lors d’une démonstration dans la zone Asie-Pacifique, les Etats-Unis espèrent interfacer le BFT avec le système radio britannique Bowman, explique Plavcan, permettant à des forces militaires distinctes de partager la connaissance de la situation malgré l’usage d’équipements de communication différents, sur la base des standards OTAN.

A terme, l’US Army compte installer environ 40'000 systèmes BFT sur différentes plates-formes, des chars de combat aux Humvees en passant par les véhicules de combat d’infanterie Bradley et les hélicoptères. De plus, la livraison de quelque 500 systèmes portables était prévue en février, a précisé Plavcan. Analogues à un assistant digital personnel Palm durci, mais équipés d’une carte militaire GPS et d’une carte émettrice par satellite à bande L, ces appareils portables devraient fournir aux soldats débarqués, aux forces d’opérations spéciales et à d’autres éléments déployés un écran affichant la position relative des forces amies. Actuellement, l’information de position est mise à jour toutes les 5 minutes pour les véhicules et chaque minute pour les hélicoptères, alors que les véhicules en mouvement font l’objet d’une mise à jour tous les 800 mètres. Une amélioration prévue de la bande passante sera capable de réduire la latence de l’annonce, d’après Plavcan, afin que les positions puissent être annoncées plus fréquemment.



Les bleus et les rouges

Le BFT contribue à garder la trace des forces amies, mais pas des forces ennemies. Bien sûr, si l’ennemi avait la bonté d’installer également un appareil sur ses véhicules, cela faciliterait grandement le travail de l’autre camp. Mais comme c’est peu probable, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, la France, l’Allemagne et d’autres nations ont développé un standard OTAN pour l’identification dans les combats au sol, une sorte de version terrestre du système IFF qu’utilisent les plates-formes aériennes et les missiles sol-air, à la différence près qu’il utilise des ondes millimétriques à haute fréquence, mieux à même de traverser la végétation et d’autres sources potentielles d’interférences. Avec ce système, les soldats arrivant à portée d’un véhicule ou d’un soldat non identifié peuvent presser un bouton pour l’interroger ; si cette entité est à la fois amie et équipée d’un répondeur à identification de combat, elle peut rapidement retourner une réponse affirmative.

Un ensemble de programmes nommé Identification au Combat de Coalition comprend 3 différents types d’IFF pour les combattants terrestres. Le premier, un programme pour fantassins appelé Identification de Soldats Débarqués (Dismounted Soldier Identification, DSID), permettra aux fantassins individuels de savoir si d’autres soldats aux alentours sont amis. Un autre programme, portant le nom d’Identification au Combat par Radio, utilisera les radios existantes des véhicules terrestres comme moyen de savoir si des forces sont amies. Un troisième programme, celui dont le développement est le plus avancé, comprend une boîte installée dans les véhicules qui est spécialement conçue pour envoyer et recevoir des demandes. Intitulé Identification d’Objectif du Champ de bataille (Battlefield Target Identification, BTID), ce programme est basé sur le standard OTAN 4579, qui autorisera l’interopérabilité des équipements BTID développés jusqu’ici par la Grande-Bretagne, les Etats-Unis et la France. Les concepteurs affirment que le cryptage des signaux assure qu’ils ne peuvent être interceptés, et que seules des émissions très concentrées et pointées exactement sur les équipements BTID peuvent potentiellement brouiller les signaux.

Utilisées avec les systèmes fournissant une connaissance de la situation comme le BFT, ces technologies d’identification au combat fourniraient des moyens supplémentaires pour suivre les forces amies. « Il existe des situations où le suivi des forces bleues sera d’une grande aide et préviendra les tirs fratricides. Mais parfois il ne sera pas assez rapide pour le canonnier ayant l’objectif dans sa mire, qui doit prendre une décision en une fraction de seconde », souligne le colonel Bill McKean de l’Army, qui contribue à superviser les efforts du Commandement interarmées américain pour coordonner le développement de la technologie d’identification. « Dans de tels cas, un système comme le BTID ou le DSID sera le seul à fonctionner assez vite. » L’idée consiste à fournir de multiples moyens d’identifier les forces amies, depuis l’information de leur position à la technologie d’identification au combat en passant par les panneaux thermiques montés sur les côtés des véhicules. Si un moyen ne fonctionne pas, un autre le devrait.

Mais ces méthodes ne prennent pas en compte les dangers posés par les avions qui fournissent un appui aérien aux éléments terrestres. Si les hélicoptères sont par exemple intégrés au système BFT, les avions des autres armées US ne le sont pas. Comment un chasseur-bombardier peut-il dès lors recevoir une mise à jour de l’emplacement des troupes au sol ? Les erreurs dans l’identification ont produit, ces dernières années, plusieurs cas d’attaques fratricides par des avions. Comme par le passé, l’information sur la présence des formations terrestres peut être incluse aux briefings généraux et aux ordres de missions que reçoivent les pilotes. A ce jour, aucun accès direct au système BFT n’a été fourni aux postes tactiques de commandement aérien, qui seraient en mesure de livrer une telle information aux avions.

D’après le major Jean-Marc Brzezinski des Forces aériennes canadiennes, les pilotes ont plusieurs méthodes pour savoir si quelque chose est hostile, et l’IFF n’est qu’une d’entre elles. Premièrement, le secteur géographique d’où provient un objet volant peut indiquer s’il est ennemi. Deuxièmement, la direction d’un appareil peut indiquer son intention ; de toute évidence, le fait de voler dans une direction opposée réduit la menace potentielle. Un avion de ligne décollant du territoire ennemi peut simplement se rendre dans une autre portion de ce territoire, sans aucun objectif militaire. Troisièmement, quelles sont l’altitude et la vitesse de l’appareil ? Un avion endommagé et incapable de répondre aux demandes IFF peut retourner à sa base à une altitude donnée et dans un corridor prédéterminé. L’IFF contribue à identifier un appareil ami, mais si ce dernier ne répond pas, une erreur technique peut également en être la cause. « En définitive, vous pouvez demander à une autorité supérieure la permission d’engager – c’est-à-dire de tirer un missile sur la cible », souligne le major Brzezinski. « A cet instant, vous attendez que le commandement vous permette d’ouvrir le feu. Dans le doute, vous suspendez le tir et vous effectuez une identification visuelle. »

Le bombardement accidentel de forces canadiennes s’entraînant en Afghanistan par un F-16 américain, en avril 2002, qui a tué 4 soldats et en a blessé 8 autres, illustre plusieurs problèmes liés à l’identification des forces amies. L’information concernant la présence des Canadiens était en possession de la cellule de planification responsable de fournir aux pilotes leurs ordres sur l’espace aérien, mais le logiciel utilisé pour présenter l’information essentielle aux pilotes comprenait une telle surcharge de données que l’espace aérien au-dessous d’une certaine altitude a été intentionnellement écarté de l’ordre de mission, selon les témoins interrogés par le bureau d’enquête canadien qui a reconstitué l’incident. En d’autres termes, des informations cruciales se sont perdues dans un flot de données. En même temps, le bureau d’enquête a trouvé qu’au lieu d’attendre l’autorisation de son commandant pour attaquer, le pilote a pris lui-même la décision de larguer une bombe sur ce qu’il percevait comme une menace, en violant la procédure adéquate.

Dans ce cas, il n’y avait pas de système IFF air-sol qui aurait pu contribuer à éviter le tir fratricide, mais l’IFF n’est qu’un aspect du suivi ami / ennemi. Qu’ils soient mis à jour pendant que le pilote est en vol ou téléchargés par l’ordinateur de l’avion avant le décollage, les rapports de situation sur les éléments terrestres constituent un autre moyen. Ensuite viennent les procédures standardisées que les pilotes doivent suivre afin de recevoir l’autorisation de combattre un objectif. Dans les cas où quelque chose au sol pourrait ou non être une menace pour l’avion, le pilote a toujours le choix de quitter le secteur. « Très peu de choses peuvent menacer un chasseur volant à 7000 mètres à une vitesse de Mach 0,8 ou 0,9 », explique le major Brzezinski. « Quand vous sortez du briefing, vous savez si un pays possède des missiles sol-air, ou au moins le secteur dans lequel ils pourraient se trouver. Les missiles sol-air portables ont une capacité réelle, mais leur portée en altitude reste limitée. »



Une identité confondue

Voici 200 ans, l’identification au combat était simplement liée aux uniformes. Les Britanniques étaient habillés de rouge et de blanc, par exemple, et les Français de bleu et de blanc. Plus récemment, pendant la Guerre froide, les soldats pouvaient être entraînés à identifier certains types de chars ou d’autres véhicules comme appartenant à l’ennemi. Mais comme le note le capitaine Mark McNeil de l’Armée de terre canadienne, qui contribue à développer les programmes d’identification au combat pour le Directeur – Besoins en ressources terrestres, la chute du Rideau de Fer signifie que plusieurs pays jadis ennemis peuvent à présent combattre aux côtés des militaires occidentaux. Autrement dit, le char de combat T-72 qui roule vers vous peut être un allié.

Différencier les amis des ennemis peut être délicat lorsque les soldats n’ont que leurs yeux et leurs oreilles. Mais à part le risque d’une panne technique, existe-t-il d’autres revers à l’utilisation de nouvelles technologies comme le BFT ou l’identification au combat ? Le docteur McBride du Potomac Institute pense qu’un piège potentiel pourrait être tendu si un ennemi submerge une force équipée du BFT et obtient l’accès à toutes les informations de position. « Il saurait instantanément où se trouve tous les éléments bleus. C’est la pire perspective possible, et donc un problème sérieux. »

De plus, bien que d’après ses développeurs le système soit conçu pour éviter l’interception ou les interférences, le risque subsiste qu’un signal utilisé pour savoir si un soldat ou un véhicule proche est ami puisse trahir sa présence. Valéry Rousset, directeur de stratégie commerciale pour le C4ISR à Thales Communications, affirme que la bande passante supplémentaire prise par l’information IFF n’aurait qu’un impact mineur sur la bande globale. « Mais annoncer votre position au moins une fois par minute ou sur demande vous amène à être actif », relève Rousset. « Et croyez-moi, d’après ce que nous offrons en matière de monitoring cellulaire, même la plus courte émission est bonne à prendre et peut permettre au moins la détection, une certaine classification de la cible, et une localisation, ce qui ensuite vous fournit une solution de tir. »

Etant donné le rythme rapide des opérations militaires, les forces n’auront pas d’autre choix que d’employer la technologie pour identifier leurs pairs. Mais avec l’usage croissant de machines sur le champ de bataille, et notamment l’usage de drones qui surveillent les secteurs hostiles et parfois portent des armes, la capacité des forces à prévenir les tirs fratricides peut dépendre de la qualité avec laquelle ces machines ont été programmées. Les humains auront toujours le dernier mot dans l’ouverture du feu, du moins peut-on l’espérer, mais leurs décisions seront de plus en plus basées sur la qualité des informations affichées par leur ordinateur, loin de l’action, et non des observations de leurs propres yeux et oreilles. Pour le soldat au combat, la couleur des uniformes et les symboles peints sur les flancs des véhicules importeront moins que leur capacité à brandir l’équivalent électronique d’un drapeau blanc.



Texte original: Ted McKenna, "State the Password", Journal of Electronic Defense, April 2004  
Traduction et réécriture: Lt col EMG Ludovic Monnerat
  








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