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Les avions de transports civils restent les cibles privilégiées du terrorisme transnational

8 décembre 2002


Vol 582 d'Arkia à Tel Aviv, 28.11.02L

e double attentat perpétré contre des citoyens israéliens au Kenya a montré la constance de la menace terroriste pesant sur les avions de ligne. Malgré leur incapacité à frapper leur cible, les deux missiles sol-air portables tirés sur un charter israélien posent la question de la protection des transporteurs civils. Tout en illustrant un développement stratégique du fondamentalisme islamique.

Le 28 novembre dernier aux alentours de 0800, le vol 582 de la compagnie israélienne Arkia venait de quitter l'aéroport kenyan de Mombasa lorsqu'une légère explosion se fit entendre à son bord ; peu après, deux traînées blanches apparurent sous le Boeing 757-300 et le dépassèrent, alors que l'avion n'avait qu'une altitude de 150 mètres. L'équipage ne décela aucun dommage à bord et décida de poursuivre le voyage jusqu'à Tel Aviv, en bénéficiant d'une escorte prenant la forme d'un chasseur-bombardier F-15 des Forces aériennes israéliennes. Les 261 passagers et les 10 membres d'équipages qui descendirent du charter venaient d'échapper à un attentat soigneusement planifié.


«... Au total, ce sont au moins 29 transporteurs civils qui ont été abattus par un missile sol-air portable, entraînant la mort de 550 personnes. »


Quelques minutes plus tard, en effet, une voiture piégée avait dévasté l'hôtel Paradise de Mombasa en tuant 13 personnes, soit 10 Kenyans et 3 touristes israéliens, et faisant environ 80 blessés. Quelques jours plus tard, le réseau Al-Qaïda revendiquait le double attentat dans un communiqué diffusé sur Internet et transmis à plusieurs médias du Golfe, en se félicitant de combattre la "coalition des Juifs et des Croisés" quatre ans après les attaques contre les ambassades américaines de Nairobi et de Dar Es-Salaam. Le 7 décembre, les autorités kenyanes retrouvaient les restes des 2 missiles employés, des SA-7 Strela-2 de fabrication chinoise dont l'un n'avait visiblement pas explosé. Et qui rappellent à quel point les avions de transports civils restent des cibles rentables – donc privilégiées.


Une menace déjà ancienne

Depuis leur développement dans les années 60, les missiles antiaériens portables à guidage infrarouge ont suscité la crainte de leur usage contre des appareils non militaires par le fait d'organisations terroristes. Principalement conçus pour combattre des hélicoptères de combat ou de transport ainsi que des avions d'attaque au sol, les premiers modèles entrés en service à l'Ouest comme à l'Est – Redeye et Strela – offraient des capacités limitées contre ces cibles militaires, qui n'avaient pas tardé à être équipées de contre-mesures ; en revanche, les appareils de transport civils restent aujourd'hui encore vulnérables face à des missiles même anciens, dont des milliers d'exemplaires circulent encore de par le monde, en provenance surtout des stocks des Etats communistes.

Les Israéliens sont conscients depuis longtemps de cette menace pesant sur leurs compagnies aériennes civiles. En 1973, des terroristes palestiniens du groupe Septembre Noir avaient déjà tenté d'abattre un avion de ligne israélien à Rome, alors qu'en 1985 deux membres allemands des Brigades Rouges avaient été arrêtés au Kenya alors qu'ils préparaient un attentat similaire. Au total, ce sont au moins 29 transporteurs civils qui ont été abattus par un missile sol-air portable, pour la plupart des petits appareils au-dessus de l'Afrique, et ne faisant par conséquent que 550 victimes. Une attaque réussie sur l'un des plus gros avions de lignes actuellement en service provoqueraient des pertes sensiblement équivalentes – même si elle serait probablement plus difficile.

Missile chinois HN-5

En effet, les missiles portables à tête chercheuse infrarouge ne peuvent que malaisément s'attaquer à des longs-courriers utilisant des réacteurs dont la forte poussée exige le renforcement des tuyères et des attaches : leur charge limitée à 1-2 kilogrammes d'explosifs et attirée par la chaleur des moteurs ne peut dans la plupart des cas qu'infliger des dégâts marginaux, insuffisants même durant les phases cruciales du décollage et de l'atterrissage. En revanche, face à de petits appareils à réaction ou des avions équipés de turbopropulseurs, ils constituent une menace incontestable. En avril 1994, le missile SA-16 qui a abattu l'avion du président rwandais Juvénal Habyarimana en approche de l'aéroport de Kigali a été le signal déclencheur d'un véritable génocide interethnique.



«... On peut trouver des SA-7 au marché noir pour un prix évalué à environ 1 millions de francs, et des quantités considérables de copies ont été découvertes. »


Au Kenya, les 2 missiles utilisés étaient des modèles chinois HN-5 dérivés du 9K32M Strela-2 développé en URSS dans les années 60 et nommé SA-7 Grail par l'OTAN. Il s'agit d'un engin pesant environ 10 kg et équipée d'une charge explosive de 1,85 kg, capable de combattre des cibles volant jusqu'à 940 km/h, à une portée maximale de 4200 m et à une altitude ne dépassant pas 2300 m. Propulsé à une vitesse de Mach 1.75, soit 2100 km/h, le Strela-2 est exclusivement guidé par infrarouge et ne dispose que d'une capacité restreinte à déjouer les contre-mesures, tout en étant équipé d'un détonateur d'impact – et non de proximité. Ces limitations ainsi que l'ancienneté des exemplaires expliquent largement pourquoi les missiles tirés par les terroristes tirés à 2 km du Boeing 757-300 d'Arkia ne sont pas parvenus à l'abattre, ou même à le forcer à faire demi-tour.

Il n'en demeure pas moins que la menace posée par ce type de missiles reste considérable. On peut trouver des SA-7 au marché noir pour un prix évalué à environ 1 millions de francs, et des quantités considérables de versions russes, chinoises ou yougoslaves ont été découvertes en Afghanistan, en Tchétchénie et dans les Balkans. Les services de renseignements estiment qu'une trentaine de groupes terroristes ou de guérillas en possèdent. C'est d'ailleurs un missile provenant de la même série que ceux utilisés au Kenya qui avait été tiré sans succès sur un avion d'attaque au sol américain A-10, en mai dernier, alors qu'il décollait de la base saoudienne du Prince Sultan. En Afghanistan, les troupes alliées ont également mis à jour les preuves de l'intérêt du réseau Al-Qaïda pour des attentats sur des avions de ligne avec ces missiles.

En revanche, il serait faux de croire que les missiles de conception occidentale constituent une menace semblable. Dans les heures qui ont suivi la tentative manquée sur l'aéroport de Mombasa, plusieurs médias ont prioritairement suspecté les Stingers remis en masse par les Etats-Unis aux combattants afghans au milieu des années 80, et qui ont largement contribué au retrait soviétique. Non seulement la proportion de ces missiles est mineure dans le cadre de la prolifération des exemplaires issus du bloc communiste, mais cela fait plusieurs années que les Stingers originaux sont probablement hors service – faute d'un entretien spécifique et notamment de batteries neuves. De plus, les services de renseignement ont fait des ventes de missiles sol-air portables l'une de leurs priorités depuis des années, de sorte que toute velléité allant dans ce sens est un signal d'alarme prioritaire.


Une protection inabordable

Sur le plan technique, les missiles occidentaux de type Stinger, Mistral ou Starstreak ont en effet des capacités trop évoluées pour que leur prolifération soit tolérable. Les dernières versions du Stinger, comme celles que possède l'armée suisse, utilisent en effet un guidage à la fois infrarouge et ultraviolet qui les met à l'abri de la plupart des contre-mesures, ainsi qu'un détonateur de proximité qui leur permet de projeter de nombreux éclats sur leur cible. Les avions et hélicoptères militaires occidentaux sont par conséquent équipés de systèmes de protection tenant compte de ces capacités, même s'il est plus simple d'engager les voilures tournantes au ras du sol et les voilures fixes au-delà du plafond des missiles portables – en général 3000 mètres. Mais la protection des appareils civils reste un casse-tête insoluble.

La division de la sécurité aérienne au Ministère israélien des transports a lancé le développement d'un nouveau système de protection contre les missiles à guidage infrarouge depuis 2 ans, de toute évidence en parallèle avec l'entrée dans la phase actuelle du conflit israélo-palestinien. Le projet est mené conjointement avec la société d'armement Rafael, qui produit également des missiles sol-air et sol-sol. Il apparaît toutefois certain que les avions de la principale compagnie nationale El Al, à la différence de ceux d'Arkia, soient déjà équipés d'un dispositif de protection – au même titre que l'avion utilisé par le Premier ministre Ariel Sharon – analogue à ceux équipant la plupart des avions militaires.

Bunkers en Irak durant la Guerre du Golfe

Pour les compagnies aériennes occidentales, dont les passagers sont devenues les cibles du terrorisme fondamentaliste de Louxor à Bali en passant par Djerba ou Jolo, la sûreté de leurs appareils a cependant un coût inabordable. En premier lieu, le montage d'un système protecteur à base de leurres et comportant un avertisseur de missile en approche coûte entre 3 et 4,5 millions de francs par appareil, soit 2% à 8% du coût unitaire selon les modèles par exemple de la gamme Airbus ; or il y a 20'000 transports aériens civils dans le monde chaque jour, et la flotte américaine d'avions de ligne compte à elle seule 4900 appareils. Par ailleurs, la sécurisation des aéroports imposerait la surveillance d'une zone d'au moins 5 km de rayon autour des pistes principales – soit une surface approchant les 80 km2. Compte tenu de l'emplacement de la plupart des aéroports utilisés par les avions de lignes intercontinentaux, une telle mesure est tout simplement irréalisable.


«... le rapprochement de la nébuleuse anti-américaine et anti-occidentale Al-Qaïda avec les mouvements anti-israéliens semble inévitable – si ce n'est pas déjà le cas »


Les avions de ligne vont donc rester des cibles abordables et rentables pour les groupes terroristes dans les années à venir. Il est à ce sujet important de signaler que le réseau Al-Qaïda, avec le double attentat au Kenya, a pour la première fois pris directement pour cibles des citoyens et des intérêts israéliens. Si l'on considère en outre que le secrétaire général du Hezbollah a appelé à mener des attentats-suicides au-delà du Proche-Orient, le rapprochement de la nébuleuse anti-américaine et anti-occidentale Al-Qaïda avec les mouvements anti-israéliens semble inévitable – si ce n'est pas déjà largement le cas. Dans cette perspective, à laquelle la politique du gouvernement Sharon contribue d'ailleurs lourdement, il sera bientôt impossible aux Etats européens de brandir le souvenir d'un quelconque processus de paix pour conjurer le conflit planétaire en cours.

Lorsque l'on se rappelle les cris d'orfraie poussés par certains politiques dans notre pays lorsqu'il est apparu que le groupe des renseignements dirigé par le divisionnaire Regli avait fait l'acquisition de 2 missiles sol-air SA-18, les plus modernes développements des Strela, force est d'admettre que cette menace contemporaine reste largement ignorée.




Cap Ludovic Monnerat    






Sources

Matthew Gutman, "Two terrorist missiles narrowly miss Arkia flight from Mombasa", Jerusalem Post, 29.11.02 ; Haïm Shapiro, "Missile protection systems best kept quiet", Jerusalem Post, 29.11.02 ; Jean-Philippe Rémi, "Les amitiés pro-israéliennes du Kenya au coeur de l'attentat de Mombasa", Le Temps, 30.11.02 ; James Dunnigan, "Three Decades of Missiles versus Airliners", StrategyPage.com, 2.12.02 ; Jacques Isnard, "Les missiles utilisés à Mombasa confortent la piste Al-Qaida", Le Monde, 4.12.02 ; Mark Burgess, "Terrorism Report: Al Qaeda attempts to widen war", Center for Defense Information, 6.12.02 ; GlobalSecurity.org ; dépêches AP, AFP et Reuters.





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