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Comment le terrorisme maritime menace les artères commerciales et énergétiques du monde

23 novembre 2003

Le port d'Aden où a été attaqué l'USS ColeA

ctes de piraterie, kidnappings et détournements en mer font planer la menace du terrorisme sur les voies de communication les plus importantes de la planète. Est-ce que la prochaine attaque majeure d'Al-Qaïda utilisera un bateau géant transformé en bombe flottante ?

Le vice-premier ministre de Singapour, Tony Tan, a lancé la semaine dernière un appel à faire face au danger représenté par des terroristes utilisant des navires pour attaquer des villes portuaires majeures ou bloquer des routes maritimes essentielles, afin d'interrompre les artères commerciales et énergétiques du monde.

Al-Qaïda et des organisations terroristes affiliées, dont la Jemaa Islamiya, ont montré qu'elles comprennent le rôle des points d'étranglement principaux dans le commerce maritime global en montant ou planifiant plusieurs attaques ces dernières années. Les résultats de deux attaques près du Yémen ont été considérables, mais largement localisées. Les primes d'assurances ont explosé et les bateaux évitent la zone.


«... Le réseau Al-Qaïda aurait une flotte d'au moins 15 navires de haute mer, parmi plus de 46'000 navires qui font escale à plus de 2800 ports participant au commerce international. »


Mais de nombreux responsables et experts en sécurité redoutent que des terroristes liés à Al-Qaïda tentent de couler, incendier ou faire exploser un pétrolier géant chargé de matériaux inflammables en un endroit-clef pour la navigation internationale, ou de bourrer un navire d'explosifs, de l'amener dans le port d'une grande ville et de commettre un attentat entraînant un maximum de pertes, de dégâts et de panique.

« Il y aurait de sérieuses perturbations pour le commerce global s'il y avait une attaque contre un port majeur, une voie maritime ou un passage obligé comme le canal de Suez ou le détroit de Malacca », a déclaré le ministre de la Défense singapourien, Teo Chee Hean, lors de la conférence Imdex Asia 2003. L'essentiel du commerce mondial est transporté en mer. Environ 80% des 6 milliards de tonnes échangées chaque années sont déplacées par bateau.

Parmi les chenaux internationaux utilisés par la navigation commerciale, le détroit de Malacca est considéré comme l'un des points d'étranglement les plus critiques. Plus d'un quart du commerce mondial et de la moitié de son pétrole passe par cette voie maritime encombrée, et qui ne mesure que 2,4 km de large à son point le plus étroit - près de Singapour, le port plus utilisé au monde. Quelque 50'000 navires de haute mer empruntent chaque année le détroit, dont un grand nombre pourrait intéresser des terroristes.



Un réseau en mer

Comment des terroristes pourraient-ils prendre le contrôle d'un bateau ? Il est possible qu'ils collaborent avec des pirates ou des bandes criminelles impliquées dans le vol ou la prise de vaisseaux. Le Bureau International Maritime a récemment désigné les eaux indonésiennes adjacentes au détroit de Malacca comme les plus dangereuses de la planète, car 87 des 344 attaques de pirates annoncées dans les 9 premiers mois de l'année s'y sont produites.

Mais il est plus probable qu'Al-Qaïda utiliserait ses propres bateaux, ou ses propres agents, en vue d'une attaque terroriste majeure en mer. Cela fournirait à l'organisation une meilleur contrôle sur toute opération. Le réseau Al-Qaïda aurait une flotte d'au moins 15 navires de haute mer, parmi plus de 46'000 navires qui font escale à plus de 2800 ports participant au commerce international. Il pourrait également infiltrer les rangs des quelque 1,2 millions de marins, dont une grande part originaires d'Asie. Des recherches ont montré qu'un grand nombre de certificats portés par les marins sont obtenus de manière frauduleuse. Jusqu'à 80% des certificats décernés par certains pays se sont avérés des faux.

Dans une telle situation, des terroristes ont de larges opportunités de se faire passer pour un équipage et de prendre le contrôle d'un navire pour l'utiliser comme une arme offensive. Une étude publiée le mois passé par Aegis Defence Services, une société de conseil en sécurité basée à Londres, a rapporté plusieurs nouveaux et inquiétants développements en matière de terrorisme maritime dans le Sud-Est asiatique.

En mars dernier, le chimiquier Dewi Madrim a été abordé au large des côtes de Sumatra, dans les eaux indonésiennes, par 10 pirates équipés d'une vedette. Ils étaient armés de fusils d'assaut et de machettes, et portaient des radios VHF. Ils ont mis hors service la radio de bord, pris la barre et dérouté le navire - en modifiant sa vitesse - pendant environ une heure. Ils sont ensuite partis avec un peu d'argent liquide, le capitaine et un officier, qui manquent toujours.

Le rapport Aegis parvient à la conclusion que c'était un exemple de terroristes apprenant à gouverner un bateau, et que le kidnapping - sans aucune tentative d'obtenir une rançon pour les officiers - avait pour but d'acquérir l'expertise nécessaire à une attaque maritime. Le quotidien The Economist a décrit la prise du Dewi Madrim comme « l'équivalent des pirates de l'air d'Al-Qaïda ayant mené les attaques du 11 septembre après avoir suivi des cours de pilotage en Floride. »

L'étude Aegis a également trouvé des preuves que des terroristes du Sud-Est asiatique ont appris à maîtriser la plongée sous-marine, de toute évidence pour attaquer des navires en partant sous l'eau. Le groupe Abu Sayyaf basé au sud des Philippines, qui a des liens avec Al-Qaïda, a kidnappé en 2000 un ingénieur d'entretien sur une station balnéaire de Sabah. Après sa libération, l'ingénieur a déclaré que ses ravisseurs savaient qu'il était un instructeur de plongée sous-marine et voulaient qu'il leur transmette son savoir.

En outre, le rapport Aegis a identifié en Asie du Sud-Est 10 cas de pirates ayant volé des remorqueurs sans raison apparente. Il est possible qu'on les destine à remorquer un pétrolier détourné dans un port international surpeuplé comme Singapour. Le contre-amiral Teo a affirmé que la rentabilité d'une attaque maritime réussie pourrait être considérable pour les terroristes, ajoutant que les dégâts pourraient être « horribles » si des superpétroliers chargés de pétrole ou si des transporteurs de gaz pétrolifère ou de substances chimiques étaient transformés en bombes flottantes.



Une découverte choquante

En juin, les autorités grecques ont saisi en Méditerranée un navire suspect, le Baltic Sky, et ont trouvé à bord 8000 détonateurs et 680 tonnes d'explosifs, principalement de l'Anfo, un explosif à base de nitrate d'ammonium fabriqué dans le commerce et généralement utilisé dans l'exploitation minière [l'explosion survenue à l'usine AZF de Toulouse le 21 septembre 2001 a impliqué 300 tonnes de nitrate d'ammonium, note du traducteur]. Le nitrate d'ammonium est largement employé comme engrais en Asie et ailleurs. Les Etats-Unis et d'autres pays membres de l'Organisation pour la Coopération et le Développement Economique ont importé plus de 1,6 millions de tonnes de nitrate d'ammonium en 2000, principalement par la mer.

Avec certaines manipulations, le nitrate d'ammonium peut être transformé en explosif puissant. Il a été utilisé dans les camionnettes piégées de Bali en octobre 2002, et devant l'hôtel JW Marriott en août dernier à Jakarta. Ces attentats ont tué et blessé plusieurs centaines de personnes. Le nitrate d'ammonium était également l'explosif principal dans les attentats au camion piégé de Nairobi, Mombasa et Oklahoma City, de même que dans la première attaque terroriste au World Trade Center de New York en 1993.

Le ministre grec de la Navigation, George Anomeritis, a déclaré que le manifeste du Baltic Sky indiquait que le cargo était apparemment affrété par une compagnie au Soudan avec « une case postale à Khartoum qui n'existe pas. » Il a décrit que la puissance explosive potentielle du bateau comme étant comparable à « une bombe atomique. » Ce qui constitue une exagération, mais les explosifs auraient certainement fait des ravages s'ils avaient été mis à feu près d'une ville portuaire. [Les propos du ministre sont cependant cohérents : la plus petite ogive nucléaire de l'arsenal américain a par exemple une charge équivalente à 300 tonnes de TNT, NDT]

Dans un autre registre, les responsables américains accusent Al-Qaïda d'avoir mené une attaque suicide avec un Zodiac rempli d'explosifs contre le destroyer USS Cole dans un port du Yémen, en octobre 2000, et tué 17 militaires américains. Ils affirment aussi que le pétrolier français Limburg, transport 300'000 barils de brut iranien au large des côtes yéménites, a été immobilisé et mis à feu en octobre 2002 par une attaque similaire, lorsque des explosifs ont éperonné sa double coque en acier. Les enquêteurs français ont confirmé cette conclusion. Le pétrolier n'a pas coulé et l'incendie a été éteint, mais un marin s'est noyé lorsque l'équipage a abandonné le navire en feu, et quelque 90'000 barils de pétrole se sont déversés dans le Golfe d'Aden.

Par la suite, Al-Qaïda a revendiqué l'attaque. « Si un bateau que ne nous a pas coûté 1000 dollars est parvenu à dévaster un pétrolier de cette taille, imaginez l'ampleur du danger qui menace l'artère commerciale de l'Occident que constitue le pétrole », a affirmé un communiqué transmis par le bureau politique d'Al-Qaïda le 13 octobre 2002. « Cette opération n'est pas seulement une attaque contre un pétrolier, mais également une attaque contre les lignes de transport internationales de pétrole et toutes ses différentes connotations. »

D'après le contre-amiral Teo, les attaques contre l'USS Cole et le Limburg ont montré que « la menace du terrorisme maritime n'est pas théorique, mais bien réelle. » Il a ajouté : « A Singapour, lorsque nous avons brisé le réseau de la Jemaah Islamiya il y a 2 ans, nous avons découvert qu'ils évaluaient l'attaque d'un navire de guerre US dans nos eaux. »

Voici une année, les autorités américains ont arrêté Abdul Rahim Mohammed Hussein Abda Al-Nasheri, le chef des opérations navales d'Al-Qaïda, qui selon eux avait planifié l'attentat de l'USS Cole. Surnommé le Prince de la Mer, il aurait confessé la planification d'autres attaques dans le détroit de Gibraltar. Plus tôt l'an passé, il aurait également envoyé au Maroc une équipe de Saoudiens entraînés en Afghanistan, afin de préparer des attaques au Zodiac sur des navires de guerre américains et britanniques lorsqu'ils franchissent le détroit de Gibraltar. Le service de renseignements marocain a déjoué le complot, mais un agent très important s'est échappé.

La possibilité la plus dangereuse est que les terroristes puissent obtenir et utiliser une bombe radiologique, qui a pour effet de disperser des substances radio-actives, ou même une arme nucléaire, peut-être dissimulée dans l'un ou l'autre des plus de 230 millions de containers qui transitent chaque année dans les ports du monde. Des mesures ont été mises en place par la communauté internationale pour prévenir une telle catastrophe. Les mesures de sécurité ont été renforcées par la disponibilité et l'accessibilité croissantes d'une nouvelle technologie de scanning et de détection.

La sécurité portuaire de Singapour figure parmi les plus serrées du monde. Elle comprend des patrouilles intensifiées par les garde-côtes de la police et de la marine, ainsi qu'un réseau intégré de surveillance et d'information pour traquer et examiner des activités suspectes. Les routes de navigation maritimes ont été redessinées pour minimiser la convergence de petits bateaux avec des navires marchands à haut risque. La marine de la République de Singapour mène également des escortes aléatoires de navires marchands traversant le détroit de Singapour et les eaux adjacentes.

Mais dans d'autres ports d'Asie ou d'ailleurs, la sécurité reste inadéquate, alors que les routes maritimes à proximité des ports sont largement dépourvues de protection.



Texte original: Michael Richardson, "Terror at sea: The world's lifelines are at risk", The Straits Times, 17.11.2003  
Traduction et réécriture: Maj EMG Ludovic Monnerat
  








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