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Après un nouvel échec dans sa traque de Radovan Karadzic, la SFOR est en butte aux questions

11 avril 2004

Raid de la SFOR à Pale, 2.4.04L

e dernier raid sur la ville bosniaque de Pale soulève de nombreuses questions : pourquoi, après sept années à la poursuite du criminel de guerre Radovan Karadzic, les troupes de l’OTAN ne sont pas plus avancées ?

Une personne haut placée du Tribunal de La Haye affirme que les troupes de la SFOR de l’OTAN se trompent constamment, de telle sorte qu’il y a peu de chances qu’ils croisent un jour le chemin de l’ancien Président des Serbes de Bosnie. La SFOR insiste sur sa détermination à retrouver les criminels de guerre comme Radovan Karadzic.


«... Un sondage d'opinion d'une TV locale bosniaque fait apparaître que sur 6000 réponses, environ 80 % ne pensaient pas que la communauté internationale arrêterait Radovan Karadzic. »


Le raid conduit de nuit à Pale, l’ancienne place forte de Radovan Karadzic, le 1er avril, n’a réussi qu’à blesser un prêtre orthodoxe et son fils. Les troupes de l’OTAN sont arrivées dans des voitures banalisées, suivies quelques minutes plus tard par au moins quatre hélicoptères qui ont tourné au-dessus de la maison de Jeremija Starovlah, un prêtre soutenant ouvertement Radovan Karadzic.

L’opération s’est mal terminée : le prêtre et son fils Aleksander ont été gravement blessés quand la SFOR a fait sauter une porte. Des Serbes en colère se sont réunis devant l’église de la ville pour protester contre l’incursion, surtout l’assaut donné à un lieu du culte. Le lendemain on a raconté que les deux blessés étaient dans le coma. La présence de Radovan Karadzic ne s’est pas manifestée.



Manque d'efficacité et de crédibilité

Cette opération qui a échoué a soulevé des doutes sur la voie choisie par la SFOR. Une personne haut placée au Tribunal de La Haye se pose des questions sur la façon dont la SFOR se sert des renseignements et choisit les buts de ses raids. « Personne ne pense que Radovan Karadzic se trouve à Pale. Il n’est simplement pas là. Pourquoi devrait-il y être alors que la SFOR y fait des raids au moins chaque mois depuis le début de l’année ? » La présence continue des forces internationales dans la ville aurait certainement un effet de dissuasion supplémentaire sur Radovan Karadzic.

Le Lieutenant Colonel Julian Bower, officier en chef de l’information de la SFOR, n’a pas voulu faire de commentaires sur ces propos anonymes, mais il nous a confié : « Nos opérations sur les PIFWC (Personnes accusés de crimes de guerre) s’appuient sur des renseignements émanant de plusieurs sources, dont le TPIY (Tribunal Criminel International pour l’Ancienne Yougoslavie) n’en est qu’une. Les opérations à Pale prouvent nos efforts pour détenir les PIFWC ; il y a d’autres opérations moins visibles dans d’autres parties de Bosnie-Herzégovine mais je me refuse à fournir des renseignements à leur sujet. »

L’accusation qui voudrait que la SFOR cherche au mauvais endroit serait renforcée par des suggestions qu’elle n'a pas réussi à agir suite à des informations indiquant précisément l’endroit où se trouvait Radovan Karadzic sur la frontière entre la Bosnie et la Serbie. Il y a cinq semaines, nous avons reçu une information d’une source internationale crédible, selon laquelle Radovan Karadzic se trouvait à Zaovine, un village à cheval sur la frontière des deux pays. L’information sur Zaovine a été donnée à la SFOR au niveau le plus élevé par l’un des responsables les plus hauts placés auprès du TPIY.

Zaovine apparaissait une cachette parfaite pour Radovan Karadzic. On ne peut atteindre ce village de montagne que par deux routes. Des rapports indiquant que l’ancien Président des Serbes de Bosnie se déplace souvent d’un côté à l’autre de la frontière, ont été confirmés récemment à la fois par des responsables du tribunal et de l’UE en Bosnie. En dépit des attentes du Tribunal de La Haye que la SFOR répondrait à l’information, aucun raid n’est intervenu. Quelqu’un de la SFOR nous a expliqué que le renseignement du Tribunal n’était pas assez bon. « La SFOR a reçu des renseignements sur un PIFWC à l’est de la Bosnie. Mais le renseignement que nous avons reçu était limité. Même dans ce cas, la SFOR a pris des mesures pour savoir si cela tenait la route. Ce n’était pas le cas. »

La Haye pense toutefois que le rapport valait la peine. « Alors qu’aucune information n’est juste à cent pour cent, il nous a été confirmé qu’il y avait plus de chance de le trouver à Zaovine qu’à Pale. » Les responsables du Tribunal n’ont pas eu de retour des militaires. « Nous avons donné l’information à la SFOR qui ne nous a rien donné en retour. »

En février, on a parlé d’une nouvelle stratégie de la SFOR pour attraper Radovan Karadzic en arrêtant des membres présumés de son réseau de soutien, comme ses anciens gardes du corps Dusan « Bato » Tesic et Zeljko « Luna » Jankovic. On pensait alors que le nœud de la corde se resserrait enfin autour du cou de Radovan Karadzic, et qu’une arrestation sur la base de renseignements de qualité était imminente.

Mais depuis les actions de la SFOR pour capturer leur homme ont paru sans objet. Dusan Tesic et Zeljko Jankovic ont été relâchés sans charge, et les raids d’après avaient un sens symbolique plus que les endroits éloignés où l’on pense que se promène Radovan Karadzic. Dix jours après voir reçu l’information que le suspect était à Zaovine, la SFOR a mené un raid au grand jour sur la station de radio de sa fille Sonia à Pale. « Cela paraît étrange qu’ils aient monté un raid sur la station de radio de Sonia Karadzic plutôt qu’à Zaovine, alors qu’une source de bonne foi leur avait dit qu’ils pensaient que Radovan Karadzic y était. »

On nous a dit que l’échec répété de la SFOR peut en partie être attribué à la rotation rapide de ses officiers de renseignement. Une grande proportion des équipes qui filtrent les renseignements sur les fugitifs les plus recherchés de Bosnie, sont remplacés tous les six mois, rendant plus difficile le flot des renseignements. James Lyon, directeur des projets en Bosnie, Serbie et Monténégro, du Groupe de Crise Internationale, nous a expliqué : « La raison pour laquelle la SFOR n’arrive pas à attraper Radovan Karadzic est d’abord leur manque de renseignement ; puis, le type et les nombres de troupes spécialisées pour une telle opération, absents dans les Balkans ; et enfin, la volonté politique à un plus haut niveau ne semble pas être là. »

La capacité de la SFOR de rassembler l’information a aussi été mise en question par des responsables internationaux qui aident le service des frontières de l’état bosniaque (SBS), qui a la responsabilité de contrôler les frontières orientales où l’on pense que Radovan Karadzic passe le plus clair de son temps. « Les rapports des renseignements de la SFOR ont peu d’information crédible et beaucoup d’erreurs d’orthographe », d’après un conseiller étranger. « Plus problématique encore est l’absence de coordination entre la SFOR et le SBS. Il semble qu’il y a un manque de confiance du côté américain, et cela veut dire qu’ils ne sont pas capables de coordonner effectivement leurs activités avec nous. »

Notre source au Tribunal s’est fait l’écho de ce mécontentement provoqué par la mauvaise volonté de la SFOR de partager ses informations. Une personne de la SFOR, qui a demandé l’anonymat, nous a dit que les règles du secret militaire interdisent aux soldats américains de la force de parler à des étrangers « non autorisés », et a concédé que ce point leur rendait la coordination effective difficile.

La force de l’OTAN est certaine de tout faire pour arrêter les suspects de crime de guerre. « La SFOR va continuer de soutenir le TPIY et de travailler avec la communauté internationale, les autorités de Bosnie-Herzégovine pour rechercher les personnes accusées de crimes de guerre, et les traduire en justice », affirmait la Déclaration de la SFOR du 1er avril. « Chaque opération nous rapproche d’un pas du succès final. »

Il n’empêche que des actions contre des cibles évidentes à Pale ont provoqué de la dérision dans les médias, et les gens ordinaires ne se font plus guère d’illusions sur les efforts de la SFOR. Un sondage d’opinion d’une TV locale bosniaque fait apparaître que sur 6000 réponses, environ 80 % ne pensaient pas que la communauté internationale arrêterait Radovan Karadzic.

Notre source à La Haye a eu des mots durs pour évoquer les implications de l’échec de la capture de Radovan Karadzic. « Il y a trois ou quatre criminels de guerre condamnés, qui sont encore en liberté en Bosnie et environ 15 en Serbie, et comme le gouvernement de Belgrade ne se lasse jamais de nous dire, comment peut-on s’attendre à ce qu’ils arrêtent les accusés alors que l’alliance militaire la plus puissante du monde a de la peine à faire en Bosnie ? »

James Lyon pense qu’en dépit de tous les problèmes, on sent « un climat d’urgence de plus en plus fort » pour arrêter Radovan Karadzic avant un sommet de l’OTAN à Istanbul prévu fin juin, pour admettre la Bosnie comme Partenaire du Programme pour la Paix.



Texte original: Nerma Jelacic et Hugh Griffiths, "Karadzic Raid: Not Even Close", Institute for War and Peace Reporting, 2.4.2004  
Traduction : Pierre Dérens, Le Courrier des Balkans
  








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