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Le vrai bilan de l’Irak montre que la coalition est en voie d’obtenir un succès stratégique

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27 juin 2004

Le Premier ministre AllawiC

omment évaluer les actions de la coalition en Irak et les événements qui l’entourent ? A trois jours du transfert officiel du pouvoir, une analyse objective et axée sur l’essentiel montre que si les Etats-Unis ont pris un avantage déterminant sur le terrain, ils peuvent toujours être défaits à domicile.

La couverture médiatique de l’Irak restant une désinformation quotidienne faite uniquement d’attentats, d’affrontements et de violences, parler de succès pour la coalition peut a priori surprendre. Voilà plus de 15 mois que paraissent les mêmes litanies sur le présumé bourbier irakien, l’incapacité des formations militaires et l’échec inévitable qui les attend. Même des auteurs aussi critiques et indépendants que Martin van Creveld abondent dans ce sens.


«... Les forces de la coalition ont obtenu un avantage décisif sur le terrain, en créant des conditions favorables à la renaissance d'une nation et en combattant efficacement ses ennemis. »


Pourtant, le silence quasi permanent qui sanctionne tous les développements positifs de la situation et l’absence de toute vue d’ensemble dans les commentaires souvent passionnés que l’on peut lire ou entendre montrent bien qu’un bilan réaliste exige un recul incompatible avec l’exploitation de l’actualité. Croire qu’il suffit de consulter la presse pour être habilité à exprimer une opinion fondée est une illusion teintée d’arrogance qui déconsidère la plupart des rédactions.

Une opération militaire qui implique près de 160'000 soldats et plus de 200'000 agents de sécurité divers, dans un pays grand comme 10 fois la Suisse et qui compte 25 millions d’habitants, ne peut être évaluée en dilettante et au gré d’informations toujours parcellaires. Sans même s’en rendre compte, les commentateurs jugent ainsi l’Irak en fonction de leurs propres critères ; c’est ainsi qu’une série d’attaques « prouve » que la coalition ne contrôle rien, et qu’un attentat « démontre » l’inefficacité des forces de sécurité.

Or ces raisonnements purement subjectifs sont bien entendu contraires à la nature même des conflits : un affrontement entre des belligérants visant chacun à atteindre leurs objectifs et à s’empêcher mutuellement de le faire. En d’autres termes, la seule manière d’évaluer objectivement la situation consiste à voir qui se situe le plus près de ses objectifs et quelles sont les tendances durables. Tenir un score unilatéral ne permet pas plus de juger une partie de football qu’un conflit de basse intensité.



Avantage en Irak et faiblesse à domicile

Déclenchée le 18 mars 2003, l’opération « Iraqi Freedom » visait à accomplir différents objectifs politiques et stratégiques d’envergure, comme le renversement du régime de Saddam Hussein, le démantèlement de ses armes de destruction massive et la capture des terroristes abrités sur son sol. Cependant, toute opération militaire vise en premier lieu à atteindre un état final défini par l’échelon politique ; en l’occurrence, faire de l’Irak un État-nation stable et prospère, doté d’un Gouvernement légitime et représentatif, amical envers les Etats-Unis et luttant contre le terrorisme islamiste.

Parvenir à cet état final, toutefois, ne peut se faire uniquement en combattant les ennemis d’un tel projet : il s’agit avant tout de convaincre la population d’y adhérer. Il en découle à notre sens le centre de gravité de toute l’opération ; par centre de gravité, il faut entendre ce que Clausewitz appelait « le pivot de toute la puissance et de tout le mouvement ». Dans le cas présent, ce dernier est clairement représenté par la conscience civique nationale irakienne, c’est-à-dire sa disposition à faire passer l’intérêt général et national avant l’intérêt particulier, qu’il soit individuel, familial, tribal ou religieux.

Concrètement, cela signifie que toutes les actions militaires de la coalition – l’ensemble des opérations terrestres, maritimes, aériennes, spéciales et informationnelles – sont censées contribuer à atteindre, à développer et à préserver ce centre de gravité, et donc doivent être évaluées dans cette perspective. Conformément à la doctrine militaire occidentale, un certain nombre de points décisifs déterminent le cheminement de ces lignes d’opérations ; et bien que cette analyse ne vise pas à les énumérer, plusieurs actions et événement récents indiquent leur orientation.

Sur le plan militaire, le grand succès du printemps pour les formations américaines aura été la maîtrise puis l’écrasement de l’insurrection menée par l’imam extrémiste chiite Moqtada Al-Sadr. La 1ère division blindée US, dont le déploiement a été prolongé de 3 mois pour ce faire, a réussi l’exploit d’infliger des pertes insupportables à la milice sadriste – plus de 1500 tués contre 19 soldats tombés – en convaincant les dirigeants et la population chiites du bien-fondé de son action, et en limitant les dommages collatéraux. Aujourd’hui, Sadr a ordonné au restant de ses troupes de cesser toute action, soutient le nouveau Gouvernement et se déclare prêt à combattre les terroristes islamistes sunnite, alors que les intentions de vote le concernant sont passées de 0,6% à 2%, ce qui en fait toujours un marginal.

Sur le plan politique, la formation de ce Gouvernement – à la barbe de l’envoyé spécial de l’ONU et sans contrainte visible des Etats-Unis – a rapidement modifié la perception de la population irakienne. Un sondage commandé par la coalition et publié cette semaine montre que 68% de celle-ci soutient ce Gouvernement, contre 28% en mai dernier pour le Conseil de gouvernement provisoire nommé par cette même coalition. De plus, les Irakiens soutiennent plus que jamais leur nouvelle armée (70%) et leur police (82%), et deux tiers d’entre eux estiment que les élections prévues pour janvier prochain seront libres et justes. Le fait que le Premier ministre Allawi, l’ayatollah chiite Sistani et de nombreux imams sunnites aient vigoureusement dénoncé les attaques commises cette semaine par les insurgents montre clairement l’évolution des esprits.

Le problème de Falloujah en est une preuve supplémentaire. Durant le mois d’avril, les Marines ont infligé des pertes considérables aux combattants essentiellement islamistes retranchés dans la ville, mais la tempête médiatique déclenchée par les affrontements et le risque de transformer Falloujah en symbole durable ont incité la coalition à temporiser et à déployer une force locale à la place de ses troupes. Ce faisant, ils ont autorisé leurs ennemis à revendiquer une victoire déjà célébrée dans tout le monde arabe, mais l’usage de la ville par des djihadistes étrangers sunnites – illustrée par les revendications d’Al-Qaïda, les dérives intégristes ou encore le meurtre de 6 Irakiens chiites – ont modifié la perception de la population, et permis à la coalition de mener ces derniers jours des frappes aériennes ciblées avec l’appui du nouveau Gouvernement.

Sur le plan économique, et dans l’ignorance presque totale des médias européens, le nouvel Irak connaît une croissance prometteuse. Pendant le dernier trimestre, la confiance des investisseurs a eu pour effet d’apprécier le dinar irakien de 15% par rapport au dollar américain, au dinar koweïtien et au rial iranien. Plus de 7 millions de visiteurs étrangers ont déjà parcouru le pays, en particulier dans les villes saintes chiites qui connaissent un boom immobilier malgré les violences. Des récoltes exceptionnelles autorisent l’espoir d’atteindre l’autosuffisance pour la première fois depuis 30 ans. Aujourd’hui, l’Irak est avant tout une terre d’opportunités et de libertés sans précédent dans le monde arabe, ce qui a, là encore, une influence considérable sur la perception que les Irakiens ont de leur pays et de leur avenir.

La coalition est désormais engagée dans la dernière ligne droite de son action : elle doit appuyer le nouveau Gouvernement, combattre les ennemis de la démocratie sans prendre ouvertement les devants, protéger et ménager à la fois la souveraineté irakienne jusqu’à la tenue d’élections et l’avènement d’autorités nouvellement élues. Autrement dit, les 15 mois d’occupation militaire – avec leur cortège d’erreurs, de malentendus et d’échecs inévitables – sont parvenus à préserver et à développer une conscience civique nationale qui ne demande qu’à s’exprimer. Les attaques coordonnées de l’insurrection sunnite, les nombreux meurtres des employés de la coalition et les sabotages endémiques des infrastructures n’ont pas entravé celle-ci – et l’ont même probablement renforcée.

C’est la raison pour laquelle l’augmentation du nombre de troupes, pourtant maintes fois revendiquée, aurait été contre-productive : américaniser la lutte entre les insurgents baasistes ou islamistes et les forces de la coalition n’aurait fait qu’affaiblir le sentiment national irakien et la responsabilité qui incombe aux forces de sécurité locales. De même, le recours à une direction assurée par l’ONU, également vantée comme une évidence, aurait provoqué un parrainage tentaculaire – et sans doute corrompu – qui aurait grandement nui à l’essor du nouvel Irak. Mais ce sont également les erreurs des ennemis de la coalition qui ont aidé celle-ci : avoir renoncé à combattre en première priorité les soldats coalisés et s’en prendre à la population irakienne de manière aveugle ne pouvait en aucun cas gagner ses faveurs.

Cependant, les insurgents n’ont pas les mêmes objectifs que la coalition, et il serait trompeur de juger leurs actions à l’aune d’un même état final. Rassemblant des anciens cadres du régime de Saddam Hussein, des djihadistes étrangers inspirés et financés par Al-Qaïda ainsi que par plusieurs pays voisins, mais aussi des bandes armées payées pour leurs actions, les ennemis de la coalition et du Gouvernement n’ont pas d’état final commun à atteindre mais un objectif intermédiaire partagé par tous : provoquer le départ des troupes coalisées, américaines surtout. Et la seule manière d’y parvenir consiste à frapper le centre de gravité de Washington : le soutien de l’opinion publique américaine à la poursuite de l’opération.

Jusqu’ici, les activités de l’insurrection allant dans ce sens ont été décevantes : malgré des efforts considérables et la perte d’au moins 1000 combattants par mois, seuls 518 soldats US sont morts d’actes hostiles depuis le 1er mai 2003, et ce chiffre – étonnamment bas compte tenu des actions menées de part et d’autre – est resté insuffisant pour faire basculer l’opinion publique américaine quant à ses dirigeants politiques. Les tentatives visant à provoquer des pertes massives par des attentats de grande ampleur dans les bases américaines se sont toutes soldées par des échecs. De même, les enlèvements de ressortissants étrangers et leur exécution n’ont pas été productifs.

Pourtant, les insurgents disposent de précieux alliés sur le territoire même des Etats-Unis : la classe politique, médiatique et académique qui s’est opposée à l’intervention militaire et qui aujourd’hui vise à défaire l’administration Bush dans sa campagne de réélection, fut-ce au prix d’un échec en Irak. L’exploitation souvent hystérique des sévices commis dans la prison d’Abou Ghraib – et l’omission du fait qu’une grande partie d’entre eux se sont produits en l’espace d’une seule journée – conjuguée à la énième tentative avortée d’incriminer directement le Président ont confirmé le désintérêt de toute une portion des élites américaines pour la réalité des faits et l’intérêt stratégique de l’Irak.

Pour l’heure, leur influence sur l’opinion publique reste cependant limitée, et les sondages quotidiens de la firme Rasmussen montre ainsi une grande stabilité dans le soutien envers George W. Bush. Les principales raisons de ces limites sont l’existence d’une vraie pluralité dans les médias traditionnels, télévisés ou écrits (Fox News et Wall Street Journal étant les plus clairs soutiens républicains), mais aussi le fait que les soldats américains en Irak vivent une expérience diamétralement opposée à la litanie sans fin de violence et de mort que diffusent la majorité des médias. Or les recherches du sociologue Charles Moskos ont montré qu’un tiers des soldats déployés utilisent quotidiennement Internet et le courrier électronique pour informer leurs proches, et un autre tiers en moyenne une fois par semaine.

Malgré cela, le vrai bilan de l’Irak doit nécessairement tenir compte de cette dualité : si les forces de la coalition ont obtenu un avantage décisif sur le terrain, en créant des conditions favorables à la renaissance d’une nation et en combattant efficacement ses ennemis, elles restent vulnérables à toutes les actions de déstabilisation visant leur opinion publique – menées par leurs ennemis, par exemple sous la forme d’actes terroristes, ou par une portion de leur propre camp. Leur désengagement programmé de l’Irak sera toujours en conflit avec la nécessité de mener des actions offensives dont les forces irakiennes ne seront pas capables avant des années – du moins avec un tel niveau de précision et de létalité.

Sous l’angle plus large de la guerre contre le terrorisme islamiste, la perspective est cependant plus claire : en envahissant l’Irak et en le mettant sur la voie d’une démocratie libérale, les Etats-Unis ont devancé leurs ennemis et précipité 25 millions d’Irakiens dans la lutte. Si l’Irak est désormais un point central de l’affrontement entre la démocratie occidentale et l’intégrisme islamiste, c’est aussi le terrain le plus favorable pour voir les idées de l’Occident enfin être adoptées et revendiquées par le Moyen-Orient, et donc permettre à toute cette région – et non seulement à l’îlot israélien – de faire à nouveau partie du monde, de ses courants et de ses échanges, après des siècles de parenthèses. Un succès stratégique qui aujourd’hui se dessine clairement.



Lt col EMG Ludovic Monnerat  







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