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En 3 mois, le Plan directeur de l'armée XXI s'est enrichi de plusieurs innovations significatives

11 mai 2001


Plan directeur de l'armée XXIL

e 2 mai dernier, le conseiller fédéral Samuel Schmid a présenté le projet du Plan directeur de l'armée XXI (PDA). Trois mois après l'avant-projet, la mouture actuelle du "livre blanc" de l'armée future comporte plusieurs innovations et précisions d'importance.

En résumé, on peut affirmer que l'armée XXI a évolué vers davantage de disponibilité, d'ouverture et d'aptitude aux missions actuelles, mais comporte un problème de subordination dans l'instruction qui menace l'ensemble de l'édifice.

En comparant l'avant-projet du 21 février 2001 et le projet actuel, la première impression reste celle d'une grande stabilité et d'une amélioration. Plusieurs paragraphes additionnels ajoutent davantage de précision à certains éléments centraux, alors que quelques graphiques fournissent une image assez précise de la structure de l'armée XXI.

Toutefois, une lecture attentive permet de mettre en évidence plusieurs corrections et additions très significatives, et pas nécessairement positives.

«... Au contraire de l'avant-projet, le PDA affirme qu'une défense commune avec d'autres Etats est compatible, quoique dans un cadre extrêmement limité, avec la neutralité. »
«... Au contraire de l'avant-projet, le PDA affirme qu'une défense commune avec d'autres Etats est compatible, quoique dans un cadre extrêmement limité, avec la neutralité. »

En premier lieu, l'interprétation de la politique de neutralité et son implication dans la manière de concevoir la défense ont clairement évolué. Là où l'avant-projet expliquait qu'une "défense commune est incompatible avec la neutralité", le projet affirme au contraire qu'une telle défense est compatible, mais dans un cadre extrêmement limité (p. 17). De même, la phrase mentionnant que "faire cause commune avec d'autres Etats" serait en contradiction avec la neutralité a été simplement supprimée du projet. Le PDA revient donc clairement à l'application flexible de la neutralité prônée par le rapport Brunner.

Une autre évolution concerne l'aptitude aux missions d'aide humanitaire. L'exception constituée par la mission "ALBA", selon l'avant-projet, n'en est à présent plus une (p.16) et trois paragraphes ont été ajoutés à ce sujet (p. 29-30). L'armée XXI aura donc la capacité, au pied levé et pendant quelques mois, d'être engagée dans des missions d'aide humanitaire, notamment avec des moyens aériens, et sous la conduite du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE).

De tels engagements seraient généralement non armés, mais une autoprotection minimale pourrait être envisagée. Dans tous les cas, ces opérations ne se feraient qu'à la demande d'un Etat ou d'une organisation internationale, et ne verraient l'engagement de moyens militaires que dans les domaines de la protection, du transport, de la logistique, de la communication et du sauvetage.


Modules: une subordination complètement bancale

La modification majeure du projet actuel du PDA réside cependant dans la subordination des modules (bataillons/groupes) des Forces terrestres. Depuis le lancement du projet, il était prévu de subordonner l'ensemble des modules aux formations d'application, constituées exclusivement de cadres de métier ou sous contrat ; de la sorte, les cours de répétition bénéficieraient d'un solide encadrement professionnel et permettraient aux modules, un cours sur trois, d'être attribués aux états-majors d'engagement des brigades de combat et des zones territoriales – constitués essentiellement de cadres de milice – pour entraîner le combat interarmes et les engagements spécifiques. Une telle formule, analogue à celle utilisée aujourd'hui pour les cours de reconversion, a fait ses preuves.

Sous la pression des cantons, désireux de conserver en permanence dans leur sphère des formations propres, le projet a pris le contre-pied de cette orientation (p. 42) : les bataillons et groupes seraient cette fois subordonnés selon des critères régionaux aux brigades de combat, celles-ci assumant la pleine responsabilité de leur instruction. Toutefois, le contrôle du niveau de l'instruction serait assuré par les cadres professionnels des formations d'application, et ces derniers participeraient étroitement au processus de sélection des cadres à partir du commandant d'unité (p. 43).

Infanterie mécanisée

Autant dire que ce système, s'il était adopté, entraînerait un fonctionnement tellement bancal que toute l'efficacité des cours de répétition – qui seront surtout des cours de reconversion ces prochaines années – s'annonce d'ores et déjà menacée. En effet, deux lacunes majeures s'opposent à cette conception.

Premièrement, les futurs cadres responsables de l'instruction des formations resteront pour l'essentiel des cadres de milice, ce qui nous laissera dans la situation d'apprentis enseignant à d'autres apprentis. C'est précisément cette lacune fondamentale que le projet Armée XXI a cherché à combler dès sa création, en séparant clairement l'engagement de l'instruction : aux miliciens la conduite, aux professionnels l'enseignement.

«... Admettons une fois pour toutes que l'évolution galopante de la chose militaire nécessite une professionalisation de l'instruction. »
«... Admettons une fois pour toutes que l'évolution galopante de la chose militaire nécessite une professionalisation de l'instruction. »

Dans la mesure où la défense active et mobile de l'armée future modifiera de fond en comble la doctrine tactique et opérative pour une grande partie des troupes, et notamment pour l'infanterie devenue entièrement mobile, on imagine mal comment les membres des états-majors de brigade pourront à la fois apprendre de nouveaux principes d'engagement – et une organisation inspirée des EM de l'OTAN – tout en conduisant de manière efficace l'instruction des formations subordonnées.

Deuxièmement, l'engagement des cadres de métier promet d'être particulièrement problématique. En effet, les lacunes normales et compréhensibles des miliciens exigeront l'engagement massif de professionnels, comme c'est déjà le cas actuellement dans les cours de reconversion. De sorte que ces militaires de carrière seront extraits de la formation d'application à laquelle ils sont rattachés, le temps d'un cours auprès d'une brigade de combat, pour ensuite revenir et perpétuer ainsi un va-et-vient néfaste.

En toute franchise, il faut reconnaître que l'amour-propre et l'attachement aux traditions dont plusieurs cantons se font les champions ne justifient pas de telles déperditions d'énergie et de pareilles confusions au niveau des responsabilités. Admettons une fois pour toutes que l'évolution galopante de la chose militaire nécessite une professionalisation de l'instruction, et que la confusion entre instruction et engagement compromet un pan essentiel de la réforme.


Ordre de bataille complet de l'armée

Le projet actuel du PDA, dont c'est heureusement la seule lacune criante, comporte également d'autres innovations. C'est ainsi qu'un organigramme de l'armée, complet jusqu'au niveau bataillon/groupe/escadre, a pour la première fois été rendu public (p. 47, 48 et 50). On notera tout particulièrement que les Forces terrestres devraient compter 8 brigades de combat ; dans la mesure où le principe de la modularité reste l'un des principes-clés du projet, il est vain de s'attarder sur l'ordre de bataille de ces brigades, qu'elles soient blindées (3), d'infanterie (3) ou d'infanterie de montagne (2). En revanche, le nombre des formations fournit à lui seul des indications d'importance, et ce pour les deux forces :

  • L'infanterie devrait ainsi compter 22 bataillons, 14 actifs et 8 de réserve, 16 de campagne et 6 de montagne. Tous seront cependant mobiles, c'est-à-dire équipés de chars de grenadiers à roues Piranha 8x8 ;
  • Les troupes mécanisées et légères disposeraient de 12 bataillons de chars, 8 actifs et 4 de réserve. Les TML seraient également responsables de 9 bataillons d'exploration, dont 3 de réserve (dans l'avant-projet, infanterie et TML se partageaient la responsabilité de l'exploration) ;
  • L'artillerie dénombrerait 12 groupes d'obusiers blindés, dont 4 de réserve, et 1 groupe d'artillerie de forteresse. Compte tenu du nombre de M-109 par groupe, probablement 36 au lieu des 18 actuels, la puissance de feu à moyenne portée des brigades de combat serait considérable ;
  • Le génie se répartirait en 5 bataillons, dont 2 de réserve. L'incapacité à fournir à chaque brigade un bataillon de génie semble ici indiquer des lacunes pesantes en matière de mobilité ;
  • La DCA des Forces aériennes s'articulerait en 15 groupes mixtes (actifs et réserve) : 2 de Rapier, 5 de canons de 35 mm et 8 de Stinger. Le reste des FA s'articulerait essentiellement autour de 5 escadres de chasse et 5 escadres de transport aérien, également mixtes.

L'articulation de ces modules n'est pas précisée, et spéculer à ce sujet nous semble inutile. Tout au plus est-il possible de souligner que les bataillons et groupes de l'armée XXI seront nettement plus "gros" que ceux de l'armée actuelle.


Création de nouveaux grades

Autre précision apportée par le projet, la création de nouveaux grades (p. 60), aussi bien pour la troupe que pour les sous-officiers. Cette innovation résulte des nouvelles fonctions rendues nécessaires par la prolongation des services de base et par les possibilités d'avancement accrues données aux sous-officiers supérieurs. Le dénomination exacte de ces grades n'est pas encore déterminée, mais leur correspondance en terme de fonction est énoncée :

  • Les recrues seront promues soldats au terme de 16 semaines d'instruction, et une partie d'entre eux pourra devenir soldat première classe, avec le grade d'appointé. Un nouveau grade, supérieur à appointé, sera créé pour les spécialistes à responsabilité accrue (chef mat, chef mun, etc.) ;


  • Obusier blindé 88/95Pour les sous-officiers, le grade de caporal correspondra à la fonction de chef de groupe suppléant ; les chefs de groupe parvenus au terme de leur instruction, y compris le service pratique, porteront le grade de sergent pour la variante à 6 mois (réservée aux spécialistes bénéficiant de connaissances civiles ou aux sous-officiers n'ayant aucune fonction de conduite à exercer) et un nouveau grade supérieur pour la variante à 10 mois. Par ailleurs, les sous-officiers techniques et de chef de sections suppléants recevront le grade de sergent-major ;


  • Les sergents-majors d'unité porteront par conséquent un nouveau grade. De même, la fonction de chef de la logistique amènera un nouveau grade, alors que les adjudants auront la possibilité de devenir collaborateurs d'état-major, avec un nouveau grade supérieur à celui d'adjudant EM.
«... Les formations de réserve ne seront pas dépouillées, mais complètement armées et équipées, grâce aux stocks de l'armée 95. »
«... Les formations de réserve ne seront pas dépouillées, mais complètement armées et équipées, grâce aux stocks de l'armée 95. »

Il va de soi que la création de nouveaux grades et l'adoption de nouvelles correspondances susciteront certaines récriminations, tout comme l'ont fait les modifications entérinées au 1er janvier 2000 pour les officiers. Une plus grande diversité au niveau des grades semble toutefois répondre à des besoins véritables.

Le projet actuel du PDA comporte enfin un certain nombre de modifications ou d'innovations de moindre ampleur :

  • L'environnement stratégique de la Suisse, dont l'avant-projet du PDA précisait qu'il correspondait à l'Europe, a perdu cette limitation (p. 21). Même si l'on se gardera d'en tirer des conséquences drastiques, il faut rappeler que la Suisse a déjà envoyé des unités sanitaires en Namibie et au Sahara occidental, ainsi que des troupes de sauvetage à Taiwan et en Turquie ;


  • Les formations de CR disponibles pour des engagements bénéficieront d'un délai non plus chiffré en semaines, mais en jours (p. 25). Concrètement, cela signifie que les militaires en service long – et eux disponibles en permanence avec de l'infanterie, du génie/sauvetage, de la logistique et des Forces aériennes – pourront être renforcés par des unités en cours de répétition sans que celles-ci en soient nécessairement prévenues avant le cours ;


  • Les formations de réserve ne seront pas des formations dépouillées, dotées uniquement d'un équipement de base, mais bien des formations complètement armées et équipées, grâce aux stocks de l'armée 95 (p. 27). Leur matériel sera entreposé de façon économique, et la décision du renouvellement ne sera prise qu'au terme de leur cycle de vie. Cela signifie donc que la modernisation des équipements issus de l'armée 95 ne concernera probablement qu'une partie d'entre eux (deux tiers des chars, par exemple) ;


  • Les militaires en service long, au bénéfice de 10 mois d'instruction de base, formeront une réserve spéciale, répartie notamment en 20 compagnies d'infanterie, un bataillon de génie et deux bataillons de génie/sauvetage subordonnés au Chef de l'instruction des Forces terrestres (p. 48), et donc clairement distincts des autres formations de réserve. Environ 10'000 hommes dans l'infanterie de cette réserve pourraient être engagés pour la protection d'installations spéciales, comme les aéroports (p. 31) ;


  • L'articulation de la logistique a été précisée, avec notamment l'existence de quatre niveaux (p. 38) : la logistique opérationnelle dans les unités et les bataillons (éléments organiques), le soutien logistique direct au sein des brigades d'engagement (logistique mobile façonnée en fonction de la mission sous la forme d'un ou plusieurs bataillons) et le soutien logistique dans l'armée (stationnaire) ;


  • Dans l'avant-projet du PDA, au sujet de la guerre de l'information, il était précisé que la maîtrise du contenu de l'information ne dépendait pas de l'armée et relevait d'instances supérieures. Cette restriction incompréhensible a été supprimée (p. 40) ;


  • Le personnel civil dont l'armée a et aura besoin pour garantir son exploitation, son administration et l'appui de son personnel militaire, doit pouvoir être militarisé, c'est-à-dire assumer des fonctions-clés dans des situations extraordinaires (p. 71). Les tenants et aboutissants de ce principe n'étant pas davantage précisés, on se gardera d'en tirer des conclusions hâtives, si ce n'est que du personnel militaire sous contrat est certainement plus logique que du personnel civil militarisable en cas de crise.

 

Au total, le projet actuel du Plan directeur de l'armée XXI et ses 79 pages comportent un certain nombre d'innovations, de changements et de précisions qui permettent de mieux apprécier les contours, les capacités et l'articulation de la future armée. Toutefois, le problème de la subordination des modules à des structures non professionnelle constitue une hypothèque de taille, qu'il serait souhaitable de lever avant de devoir pallier les conséquences d'un échec inévitable.




Cap Ludovic Monnerat    





Sources

Plan directeur de l'armée XXI, projet du 2 mai 2001


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